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Jeudi 9 novembre 1989... je me souviens !

Le mur occupé

Le mur occupé, © Christian Bourguignon

01.10.2019 - Article

Une interview donnée par Christian Bourguignon, un des responsables de l'animation du Centre Talma (centre socioculturel franco-allemand), pour une chaîne de télévision.

Je terminai ce soir-là à 21 heures, avant de prendre un repos de trois jours. Je fermai la porte du Centre, quand un homme ivre passa sur le trottoir en chantant le vieil hymne national allemand ''Deutschland, Deutschland''.

Le mur de Berlin
Le mur de Berlin© Christian Bourguignon

De retour chez moi, je me préparai à manger. J'allumai le téléviseur dans le salon, sans vraiment avoir consulté le programme. J'écoutai ARD la première chaîne de télévision allemande.

Le chancelier Kohl était interviewé en direct de Pologne, où il effectuait un voyage diplomatique. J'ai mis le son un peu plus fort, afin de l'entendre depuis ma cuisine. Je fus sur le point de faire cuire mon repas, quand j'entendis le chancelier annoncer qu'il écourtait son voyage pour regagner d'urgence son pays. Je pensai alors qu'il y avait eu un différend dans les relations germano-polonaises pendant la journée.

Le souper dans l'assiette, je m'assis en face du petit écran. Un journaliste de Berlin annonça que des personnes sautaient le Mur au niveau de la Porte de Brandebourg, mais ajouta qu'il ne pouvait diffuser d'images en raison de la rapidité des faits. Je n'arrivai pas à comprendre le sens de ces paroles. Il était déjà trop tard pour téléphoner à quelqu'un et demander plus d'informations. À la fin du repas, j'éteignis mon téléviseur pour sortir faire le tour de mon quartier. Tout en marchant, je pensai à cette information qui me paraissait invraisemblable, puis l'ivrogne et son chant ''Deutschland, Deutschland'' (une fois pour l'Ouest et une fois pour l'Est sans doute) revînt en ma mémoire.

Je pris ma voiture et partis à la rencontre de cet événement. En route, je me remémorai les propos tenus par Laurent Fabius, président de l'Assemblée Nationale, et parus dans le journal L'Est Républicain du 5 novembre 1989 : '' Je ne sais pas si elle (la réunification) se fera sous une forme juridique et quand, mais de toute manière, le rapprochement est inscrit dans l'histoire et la géographie et dans la conscience des deux populations ''. Avec un impératif toutefois : '' Je n'exclus pas, à un horizon que je ne peux fixer, la destruction du mur de Berlin. Car quand on dit réunification, on inclut nécessairement qu'il n'y ait plus de Mur. ''

Je garai ma voiture à proximité du Reichstag. À cet instant, je saisis l'importance du bouleversement qui ébranlait les deux Berlins. La lumière du mirador de l'Est, juste derrière le Reichstag, était éteinte comme morte. J'entendis éclater les cris de joie. Je suivis des personnes qui se dirigeaient vers la Porte de Brandebourg et j'accélérai le pas pour leur demander la raison de cette effervescente agitation.

La Porte de Brandebourg
La Porte de Brandebourg© Christian Bourguignon

Devant la Porte de Brandebourg, des gens s'entraidaient pour escalader le Mur. Je me souviens avoir mis la pointe de mes chaussures sur une planche de chantier d'environ 70 centimètres, de m'être agrippé au mur et d'avoir donné un bon coup de reins pour grimper sur la plate-forme.

De là, je mesurai l'ampleur de la situation, les yeux émerveillés par le spectacle. Les gens de l'Est couraient dans tous les sens pour atteindre le Mur, telle une ligne d'arrivée. Ils me donnaient l'impression d'être poursuivis comme des lapins courant dans le No Man's Land.

Tous étaient heureux de vivre cette émotion. Tous étaient joyeux de se rencontrer. Tous s'embrassaient, se congratulaient de ces retrouvailles heureuses, après 28 années de séparation. Un Allemand de l'Ouest agitait un drapeau de la République fédérale en signe de '' bienvenue chez nous ''.

Le mur de Berlin
Le mur de Berlin© Christian Bourguignon

Je restai figé, les pieds collés à ce béton, sans pouvoir sauter vers l'Est. N'ayant pas mes papiers sur moi, j'eus bien trop peur de me faire arrêter et pourtant deux jeunes de l'armée populaire de l'Est (Volksarmee), riaient de ce revirement. J'étais en train de vivre ce moment historique, ce moment intense et euphorique.

Après minuit, le rêve était déjà inscrit dans la presse : '' Le Mur est tombé ! Berlin redevient Berlin '' ,'' Ça y est le Mur est ouvert '' (''Die Mauer ist weg ! Gefallen! Berlin ist wieder Berlin!'', ''Geschafft! Die Mauer ist offen'').

14 jours après la mise en vente du premier catalogue de notre exposition '' Graffiti sur le mur de Berlin ! '', je n'aurais jamais pu imaginer une seule seconde ce retournement. Je laissai cette foule en folie. Sans effusion de sang, la liberté s'était installée dans l'histoire de Berlin, de l'Allemagne et du monde.

Par l’importance de l’événement, le vent de l’Est a soufflé.

Venant de Vaucouleurs, bourg se situant dans l’Est de la France, de suite j’ai connu une famille de l’Est et suis devenu le parrain d’Oliver, le fils.

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