Luise Amtsberg, déléguée du gouvernement fédéral à la politique des droits de l’homme, se dit impressionnée par la révolte des femmes en Iran. Mais la répression de l’État se durcit dans de nombreuses régions.
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Tel est l’idéal formulé dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Mais qu’en est-il de la réalité, un an avant le 75e anniversaire de son adoption en 1948 ? Luise Amtsberg, déléguée du gouvernement fédéral à la politique des droits de l’homme et à l’aide humanitaire au sein du ministère fédéral des Affaires étrangères, s’exprime au sujet de la Journée internationale des droits de l’Homme célébrée le 10 décembre.
Madame Amtsberg, que pensez-vous de l’évolution de la situation des droits humains dans le monde ?
Nous devons nous rendre à l’évidence : la situation des droits humains se détériore dans de nombreuses régions, où la répression d’État augmente et l’espace laissé à la société civile se réduit. Dans le même temps, de nombreux défenseur(e)s des droits humains ne se laissent pas intimider par la violence d’État, l’emprisonnement ou la diffamation. Les femmes du mouvement de protestation en Iran, qui reçoivent d’ailleurs cette année le prix franco-allemand pour les droits de l’Homme et l’État de droit, en sont un remarquable exemple. Leur courage me donne de l’espoir.
La guerre en Ukraine, les protestations en Iran et la Coupe du monde de football au Qatar placent le thème des droits de humains au cœur de l’actualité. Y voyez-vous une opportunité à saisir ?
Le fait que les droits humains fassent l’objet d’un débat public encore plus large est, à mon avis, une évolution tout à fait positive. C’est une bonne chose et c’est important que les gens, ici, ne soient pas indifférents aux conditions dans lesquelles les stades qui accueillent la Coupe du monde ont été construits. Pour nous, en tant que gouvernement fédéral, l’enjeu consiste à réagir à cette évolution – en accordant une place encore plus grande aux droits humains dans notre politique étrangère mais aussi, en étant transparents sur nos limites : Il n’est pas possible, par exemple, de mettre en œuvre des sanctions contre l’Iran du jour au lendemain car cela nécessite une concertation au niveau européen et la prise en compte d’éléments de sécurité juridique.
Où l’Allemagne met-elle actuellement l’accent dans son action en faveur de la protection des droits humains ?
Le système international est de plus en plus mis à l’épreuve : le monde se divise en effet entre les pays qui respectent le droit international et ceux qui veulent en saper les fondements. L’Allemagne agit à l’échelle internationale en faveur du respect et de l’élargissement des normes du droit international et des droits humains. La politique étrangère féministe du gouvernement fédéral, par laquelle nous reconnaissons que l’accès à la politique est inégal et souhaitons mettre en terme à ces structures de pouvoir, est également étroitement liée à la protection des droits humains. La protection des défenseur(e)s des droits humains à travers le monde, notamment par le biais de programmes dédiés du gouvernement fédéral, fait également partie de nos priorités. Nous devrions saisir l’opportunité du 25e anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseur(e)s des droits de l’Homme en 2023 pour mettre à l’honneur et soutenir encore davantage le travail de ces personnes.
Quels sont vos principaux partenaires dans cette action ?
Nos partenaires les plus importants dans la lutte pour les droits humains sont, à mes yeux, les représentant(e)s de la société civile, qu’il s’agisse de particuliers, de groupements locaux ou d’ONG actives au niveau international. Leur expérience et leur expertise doivent nous guider dans nos actions. Les représentant(e)s des pays au sud de l’Europe restent encore beaucoup trop peu écoutés et mon rôle est d’établir un pont entre eux et le gouvernement fédéral.
Partout dans le monde, la violence envers les femmes et les filles est l’une des violations des droits humains les plus fréquentes. Comment y remédier ?
La violence envers les femmes et les enfants et la violence sexuelle sont d’épouvantables symptômes de structures de pouvoir patriarcales. Pour éradiquer cette forme pernicieuse de violence, nous devons nous attaquer aux structures de pouvoir sous-jacentes, ce qui suppose également d’amener les responsables à rendre des comptes, y compris à l’échelle internationale. Le processus d’enquête sur les violations des droits humains lors de la guerre d’agression russe contre l’Ukraine accorde par exemple une attention particulière aux violences basées sur le genre – ce qui ne va malheureusement pas de soi, aujourd’hui encore. En Allemagne aussi, une femme sur trois sera victime de violence physique et/ou sexuelle au moins une fois dans sa vie. En tant que déléguée à la politique des droits de l’homme, il est à mes yeux important que la défense des droits humains dans le monde s’accompagne toujours d’un regard critique sur ce qui se passe sur son propre sol.