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Conférence de Munich sur la sécurité : « L’impunité n’est pas une option »

Des destructions à Kiev suite aux attaques menées par la Russie

Des destructions à Kiev suite aux attaques menées par la Russie, © picture alliance / NurPhoto

16.02.2023 - Article

Affronter un monde différent : l’ambassadeur Christoph Heusgen évoque les répercussions du tournant historique.

La première Conférence de Munich sur la sécurité après le « tournant historique » se tient cette semaine : qu’est-ce qui a changé ?

Christoph Heusgen, président de la Conférence de Munich sur la sécurité
Christoph Heusgen, président de la Conférence de Munich sur la sécurité© picture alliance / Alexander SCHUHMANN_al

Depuis le 24 février 2022, le monde a changé. C’est une chose que le chancelier fédéral a bien pris en compte dans son discours devant le Bundestag en février dernier, dans lequel il décrit le fameux « tournant historique ». Lors de la dernière Conférence de Munich sur la sécurité, qui s’est tenue quelques jours avant le début de l’attaque de la Russie, l’accent avait été mis sur des mesures qui pourraient permettre d’empêcher in extremis cette guerre.

Cette année, nous devons déterminer quels moyens restent à notre disposition pour continuer de tenir tête à cette attaque brutale contre l’ordre mondial fondé sur des règles. Il s’agit d’une question de la plus haute importance, car notre capacité à prévenir des situations comparables à l’avenir dépendra de la réponse que nous fournirons. Nous devons clairement faire comprendre que le coût de cette rupture civilisationnelle est exorbitant. Si nous ne le faisons pas, de nouveaux États qui remettent leurs frontières actuelles en question en tireront leurs propres conclusions. En Ukraine, nous voyons chaque jour où cela peut mener : cela se traduit par des milliers de morts, une souffrance insoutenable et des destructions inutiles.

Dans ce contexte, la lutte contre l’impunité représente un sujet essentiel. Les crimes de guerre et d’agression ne doivent pas rester sans conséquences. Nous avons donc besoin d’un tribunal spécial des Nations Unies devant lequel Poutine et consorts pourront être poursuivis pour leurs crimes. Nous devons par ailleurs mener cette lutte contre l’impunité avec plus de vigueur dans d’autres pays. C’est pourquoi ce sujet occupera cette année une place importante sur la scène principale de notre conférence.

L’UE, l’OTAN et le G7 sont unis aux côtés de l’Ukraine. Mais pourquoi la communauté internationale ne réagit-elle pas de manière plus uniforme ?

L’adoption d’une position commune revêt une importance capitale. Et ce, qu’il s’agisse de sanctions contre la Russie, d’efforts pour trouver une solution diplomatique, de soutien économique à l’Ukraine ou de livraisons d’armes. Nous, les Européens, pouvons nous estimer heureux que les Américains, sous la direction de Joe Biden, se soient tenus et se tiennent toujours aussi fermement à nos côtés.

C’est un fait, la communauté internationale ne forme pas un front uni contre Vladimir Poutine. 35 pays se sont abstenus lors des votes de l’Assemblée générale des Nations Unies qui ont abouti à la condamnation de l’agression russe. Les deux tiers de la population mondiale vivent dans des pays neutres ou pro-russes et les dires russes ou chinois selon lesquels les États-Unis et l’OTAN portent la responsabilité de cette terrible guerre trouvent une oreille attentive dans de nombreux pays d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie. Le sentiment de se trouver au milieu d’un nouveau conflit Est-Ouest dont les pays de l’hémisphère Sud sont une fois de plus les victimes est largement répandu.

Nous devons nous opposer fermement à ce sentiment. Nous devons sans cesse expliquer qu’il ne s’agit pas ici d’un conflit Est-Ouest, mais d’une lutte entre les partisans et les adversaires de l’ordre mondial fondé sur des règles. Se ranger du côté des adversaires, soit contre les principes fondamentaux de l’ordre mondial fondé sur des règles telles que la souveraineté territoriale, revient à se tirer une balle dans le pied. La neutralité n’est pas une option face à cette problématique fondamentale. Cela équivaut à de la non-assistance à personne en danger.

Nos amis américains ont fait preuve d’un grand leadership.

Le partenariat transatlantique est lui aussi placé cette année au cœur de la Conférence de Munich sur la sécurité. Comment décririez-vous les relations entre l’Europe et les États-Unis ?

Le partenariat transatlantique a toujours été inscrit dans l’ADN de la Conférence sur la sécurité de Munich et cela est d’autant plus important cette année. Je suis donc très heureux que les États-Unis envoient à Munich une délégation de hautes personnalités politiques ; la plus grande dans l’histoire de la conférence. Nos amis américains ont fait preuve d’un grand leadership dans le cadre de la guerre en Ukraine. Le soutien militaire qu’ils apportent à l’Ukraine est dix fois plus important que celui de l’Allemagne.

Mais ne nous y trompons pas. La stratégie de sécurité américaine dévoilée l’année dernière ne cache pas que la Chine est considéré comme l’ennemi numéro un des États-Unis, même si la Russie représente actuellement un danger imminent. On attend de plus en plus des Européens qu’ils assument davantage de responsabilités en Ukraine et, de manière générale, dans les régions avoisinant l’Europe. À l’approche des prochaines échéances électorales outre-Manche, le président américain Joe Biden fait de plus face à une pression politique grandissante le forçant à s’affirmer plus avant dans ce domaine.

Il sera de plus en plus difficile d’expliquer pourquoi les Allemands, malgré les promesses répétées, n’atteignent toujours pas la limite de deux pour cent du PIB fixée par l’OTAN pour les dépenses en matière de défense. Si un gouvernement américain moins favorable à l’Europe arrive au pouvoir, nous ne pourrons pas compter sur le fait que les Américains seront toujours là, comme cela a par exemple été le cas dernièrement lorsque le gouvernement allemand a demandé à ce que des chars de combat Leopard soient livrés à l’Ukraine. De telles attentes seront de plus en plus mal perçues à Washington.

Nous devons former de nouvelles alliances.

Quels sont les défis que pose la politique chinoise relative à Taiwan à l’Allemagne et à l’Europe ?

Au cours du dernier congrès du Parti communiste chinois, le président Xi Jinping a officiellement déclaré qu’il annexerait Taiwan en recourant si nécessaire aux forces armées. Au regard de ce qui se passe actuellement à Hong Kong et en mer de Chine méridionale, force est de constater que Pékin est disposé à bafouer les accords internationaux. Aux États-Unis, on se prépare activement à une éventuelle annexion de Taiwan. Le président américain Joe Biden a d’ores et déjà déclaré qu’il soutiendrait Taiwan sur le plan militaire dans un tel cas de figure. Nous, les Européens, serions aux côtés des Américains, bien que nous ne disposions pas de la capacité à jouer un rôle militaire de grande envergure dans un tel conflit ou dans cette région.

Les conséquences économiques seraient très lourdes pour nous. Nous devons nous y préparer en réduisant nos dépendances économiques unilatérales. Il s’agit d’une leçon sans équivoque que nous avons tirée de notre relation avec la Russie. Nous ne devons plus nous exposer au chantage : ce que le pétrole et le gaz ont été pour la Russie, sont notamment les terres rares et les cellules photovoltaïques pour la Chine. Nous devons donc former de nouvelles alliances afin d’éviter que la transition vers une économie verte absolument essentielle et que nous avons entamée ne nous rende vulnérables ailleurs.

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