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« Il y a une identité européenne »

Monument de Goethe avec drapeau européen sur la place Goethe à Francfort

Monument de Goethe avec drapeau européen sur la place Goethe à Francfort, © picture alliance/ Geisler-Fotopress

16.05.2022 - Article

L’Union européenne est solidaire dans la guerre contre l’Ukraine. La chercheuse Tanja Börzel explique ce que cela signifie pour l’avenir de l’Europe.

La politologue Tanja Börzel de l’Université libre de Berlin
La politologue Tanja Börzel de l’Université libre de Berlin© Katty Otto

Face à la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, l’UE est plus unie et déterminée que jamais. Avant la Journée de l’Europe le 9 mai, nous avons parlé avec la politologue Tanja Börzel, de l‘Université libre de Berlin, de la durée que cette unité peut avoir selon elle et des défis que doit relever l’Europe. Également directrice du pôle d’excellence « Contestations of the Liberal Script », Tanja Börzel appelle l’Allemagne et les autres États membres à mobiliser davantage leurs citoyens et citoyennes europhiles, majoritaires dans la population.

Professeure Börzel, l’Union européenne est née après la Seconde Guerre mondiale pour garantir la paix. Que signifie la guerre en Ukraine pour l’Europe ?

On oublie volontiers que l’Union européenne a commencé en tant que projet de paix. Il est bon de le rappeler. L’Union européenne est trop souvent réduite au marché unique. Ces dernières années, on estimait déjà que l’UE n’était certes pas entourée par des pays démocratiques, mais qu’il s’agissait de pays stables où l’on ne s’affrontait pas. C’est pourquoi beaucoup ne s’attendaient pas à une guerre.

L’Union européenne a néanmoins réagi très rapidement et à l’unisson à l’agression russe. Cette unité vous a-t-elle surprise ?

Que l’UE ait trouvé si rapidement une position commune est surprenant. Le président russe Vladimir Poutine pensait certainement que l’Union ne s’entendrait pas aussi rapidement sur des sanctions. Car l’UE est souvent perçue comme trop souvent désunie, notamment dans sa politique extérieure et de sécurité. Mais nous ne devons pas oublier que les États membres ont aussi fait preuve de solidarité dans le passé, par exemple pour surmonter la crise de l’euro ou avec le plan de relance face à la pandémie de coronavirus. L’Union n’est donc pas toujours divisée.

Pensez-vous que la cohésion induite par la guerre en Ukraine durera ?

Les crises nous permettent souvent de mieux mesurer que nous sommes tous dans le même bateau et qu’ensemble, nous pouvons obtenir plus de résultats. Je suis cependant sceptique sur la pérennité de cette cohésion au-delà de la crise. Je m’attends à ce que les anciens conflits resurgissent tôt ou tard. Les coûts sociaux des sanctions adoptées m’inquiètent. Car l’augmentation des prix de l’énergie et des produits alimentaires touche surtout les populations aux revenus modestes. Et c’est précisément l’électorat visé par les partis antidémocratiques. Si la crise perd en intensité et si les coûts deviennent plus visibles, les populistes s’empareront du sujet et s’en serviront pour mobiliser politiquement lors d’élections.

Que faire pour l’empêcher ?

Il s’agit d’abord d’atténuer l’impact social. Or les moyens de l’UE sont limités, il n’y aura pas d’État social européen avant longtemps. Mais, avec le plan de relance pour surmonter la pandémie de coronavirus, on est parvenu à ce que les États mutualisent leur dette. C’était un grand pas. Je peux imaginer la France et l’Allemagne œuvrer à l’extension de ce mécanisme pour atténuer les coûts sociaux des sanctions contre la Russie.

Emmanuel Macron a été réélu président en France. Il a souligné son engagement pour l’Europe dans sa campagne. Quelle est encore l’importance de la coopération franco-allemande pour l’Europe ?

L’histoire nous a montré que l’Europe avance quand l’Allemagne et la France coopèrent. C’est encore plus vrai depuis que la Grande-Bretagne a quitté l’UE. L’évolution de l’Union européenne dépend beaucoup de ces deux leaders.

Les citoyens et les citoyennes sont-ils suffisamment prêts à un renforcement de l’UE ?

Dans l’ensemble, le soutien à l’UE est toujours aussi fort dans la population. Mais ceux qui refusent une Europe ouverte et tolérante, comme les populistes de droite, ne modifieront pas leurs opinions avec l’agression de l’Ukraine par la Russie. Il faut donc mobiliser la majorité europhile. Il y a une identité européenne depuis longtemps. Mais les forces pro-européennes et pro-démocratie ne doivent pas laisser le champ libre aux populistes antidémocratiques et europhobes.

Comment mobiliser cette majorité europhile ?

Nous devons rappeler les valeurs qui fédèrent l’Europe. L’Ukraine défend actuellement nos valeurs libérales. Et les habitants de l’Europe sont prêts à descendre dans la rue pour la démocratie et la liberté ou à accueillir des réfugiés ukrainiens.

En ce qui concerne l’UE, les responsables politiques devraient cesser de s’attribuer les réussites comme étant nationales et de faire porter à l’UE les résultats jugés négatifs. Nous devons aussi débattre de l’Europe. On a toujours peur que cela n’envenime les choses. Or, je crois que nous devrions débattre de l’Europe que nous voulons et de la raison pour laquelle nous la défendons. Ce faisant, nous ne laissons plus le terrain aux forces europhobes.

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