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« Le »new work« ne se limite pas au télétravail et à de nouveaux meubles. »

Markus Väth fait avancer la transformation du monde du travail. , © Stefan Fuchs
Une interview de Markus Väth, le maître à penser du « new work », sur les moteurs de l’évolution et le sens véritable du mouvement « new work »
Interview : Martin Orth / le 5 novembre 2021
Markus Väth fait avancer la transformation du monde du travail.
On doit l’expression « new work » au philosophe et sociologue Frithjof Bergmann qui voulait faire une contre-proposition au capitalisme et au socialisme dans les années 1980. Markus Väth est l’un des leaders du mouvement « new work » en Allemagne. Auteur de la « Charte du new work », il est chargé de cours sur le « new work » et le développement des organisations à l’Université technique de Nuremberg.
Monsieur Väth, le « new work » est une grande tendance. Que signifie cette nouvelle manière de travailler ?
Le terme « new work » se traduit par la mise en œuvre de cinq principes : la liberté, la responsabilité personnelle, un travail qui fait sens, le développement et la responsabilité sociale. Ces principes répondent eux-mêmes à trois grands axes : la numérisation, la démocratisation et la décentralisation. N’oublions pas que le « new work » était à l’origine une utopie sociale. Voir dans le « new work » uniquement un moyen de développer les organisations est trop limité. Les gens ont besoin d’un travail qu’ils « veulent vraiment, vraiment » et qui correspond à leurs besoins et leurs capacités. C’est le seul moyen pour que le « new work » fonctionne dans une organisation.
« New work » est un terme large qui peut prendre de nombreuses formes. Dans quelle mesure cette « nouvelle manière de travailler » est-elle répandue en Allemagne ?
Il est intéressant de noter que le terme de « new work » est surtout un phénomène dans les pays germanophones. L’ouvrage fondateur de Frithjof Bergmann, par exemple, n’a été traduit en anglais qu’en 2019. D’autres pays comme les Pays-Bas ou le Danemark mettent aussi en pratique des concepts extrêmement modernes sans parler de « new work ». En Allemagne même, nous voyons quelques approches intéressantes de la part d’entreprises. Cela va des grandes maisons allemandes de vente par correspondance aux petites P.M.E. et même aux entreprises artisanales qui essaient de mettre en pratique les cinq principes du « new work ». Mais, dans l’ensemble, nous n‘en sommes qu’au début – si l’on estime que le « new work » ne se limite pas au télétravail et à de nouveaux meubles.
La question du sens du travail semble être essentielle. Les jeunes, notamment, veulent faire plus que gagner de l’argent. Comment peut-on l’imaginer dans les entreprises ?
Je pense que l’on surestime la quête de sens des jeunes. Ils sont en majorité très pragmatiques et veulent surtout, comme les générations précédentes, gagner beaucoup d’argent, avoir un emploi sûr et un bon équilibre travail-vie privée. C’est ce que montre l’étude Shell sur la jeunesse de 2019. Oui, des sujets comme la protection du climat et la valeur pour les parties prenantes deviennent toujours plus importantes, mais le mouvement Fridays for Future ne représente pas toute une génération. C’est ce qu’ont souligné les élections au Bundestag où le FDP et les Verts sont la plus grande force politique chez les primo-votants.
Dans les concepts du « new work », il est question de « remote » et de « purpose », de liberté et de sens, de vains mots pour les ouvriers dans les usines du Bangladesh par exemple. Le « new work » n’est-il possible que pour les travailleurs du savoir occidentaux ?
Des principes comme la liberté et la responsabilité personnelle sont universels. Le créateur du mouvement « new work », Frithjof Bergmann, a été le premier dans les années 1980 à travailler avec des chômeurs et de jeunes délinquants. L’ouvrier d’une usine au Bangladesh a donc lui aussi besoin de « new work », bien sûr. Et nous devrions tout faire pour que le « new work » sorte de la bulle étriquée des bureaux. Le « new work » n’est pas en premier lieu un mode de développement des organisations, mais un programme pour humaniser le monde du travail. Et cette humanisation devrait s’opérer partout.
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