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Une nation de football dans le doute

Le gardien de la sélection allemande, Marcel Neuer porte le brassard « One Love » lors d’un match test 

Le gardien de la sélection allemande, Marcel Neuer porte le brassard « One Love  » lors d’un match test , © picture alliance/dpa

28.11.2022 - Article

En Allemagne, la Coupe du monde de football est assombrie par des discussions sur les droits humains et un sentiment de colère contre la Fifa.

Lorsqu’il s’agit de sport, l’Allemagne se définit elle-même comme une nation de football. Avec plus de 7 millions de membres et 2,2 millions d’hommes et femmes inscrits dans plus de 24 000 clubs, la Fédération allemande de football est la plus grande du monde. Le football y est le sport le plus populaire à la télévision, surtout lorsque les équipes nationales participent à une Coupe du monde. Mais cette fois, avec la Coupe du monde masculine au Qatar, les choses sont différentes, du moins au cours de ses premiers jours. Un sondage auprès des supporters a révélé que plus de la moitié des personnes interrogées avaient l’intention de ne regarder « aucun match » pendant le tournoi. Même si de tels chiffres peuvent évoluer au cours de la compétition et probablement aussi en fonction de la réussite de la sélection allemande, on n’a jamais rien vu de tel en Allemagne.  

Des supporters protestent lors d’un match de la Bundesliga à Dortmund
Des supporters protestent lors d’un match de la Bundesliga à Dortmund© picture alliance/dpa

Dans un autre sondage, deux tiers des personnes sondées étaient d’avis qu’il était plutôt ou tout à fait inopportun que la Coupe du monde ait lieu au Qatar. Cela fait écho aux protestations visibles et bruyantes du public dans les stades allemands lors des matchs de la Bundesliga avant la Coupe du monde.

Les débats sur les droits humains assombrissent le sport

Il y a plusieurs raisons à cet état d’esprit. Les droits humains, en particulier la répression de la communauté LGBTQI+ et surtout le statut illégal de l’homosexualité au Qatar, focalisent sans aucun doute la grande majorité des débats. À cela s’ajoutent les conditions de vie des ouvriers qui ont été victimes de nombreux accidents mortels sur les chantiers de la Coupe du monde pendant plusieurs années. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), ces conditions se sont toutefois nettement améliorées ces derniers temps, notamment en raison de la pression internationale. La période inhabituelle pour cette compétition puisqu’elle tombe pendant l’hiver pour les Allemands et le fait qu’elle ne s’accompagne pas des habituelles fêtes estivales populaires et des retransmissions publiques, la lassitude vis-à-vis de la Fédération internationale de football (Fifa) qui est au cœur de plusieurs scandales, sans oublier le contexte international incertain, la crise de l’énergie et l’inflation, jouent également un rôle dans cette froideur.  

La ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock a problement exprimé ce que pensent probablement la plupart des gens en Allemagne lorsqu’elle a souligné, d’une part, l’importance primordiale des droits humains et, d’autre part, sa compréhension pour la situation des sportifs. « Notre monde repose sur les droits humains et c’est pourquoi ils sont indivisibles. Cela vaut aussi bien pour les conférences sur le climat que pour les grands événements sportifs », a déclaré celle qui fut également sportive de haut niveau. De même, « les sportifs qui participent à de tels événements ne doivent pas être punis si certaines choses ne se passent pas correctement sur le plan politique », a ajouté la ministre. « Et c’est pourquoi je croise naturellement les doigts, pas seulement pour l’équipe allemande, mais pour tous les participants, car je suis une grande fan de football ». Ce qui est aussi le cas d’un grand nombre d’Allemands et d’Allemands.   

La Fifa, une fédération mondiale impopulaire

Un décor spécial pour le vol de l’équipe nationale allemande vers Oman
Un décor spécial pour le vol de l’équipe nationale allemande vers Oman© picture alliance/dpa

​​​​​​​Le Fédération allemande de football (DFB) a également décidé de participer et de protester. L’avion à bord duquel l’équipe nationale s’est rendue à Oman, pays voisin du Qatar, pour se préparer, était ainsi orné du message « Diversity Wins ». Toutefois, la DFB et six autres fédérations européennes se sont heurtées à l’opposition de la Fifa et ont dû renoncer à faire porter à leur capitaine un brassard portant l’inscription « One Love ». La Fifa avait en effet interdit ce slogan a priori anodin et menacé d’amendes mais aussi, selon la DFB, de conséquences « massives ». Le footballeur allemand Leon Goretzka a déclaré à ce sujet : « En tant qu’équipe, nous nous réjouissons de tout signe de diversité et de lutte contre les discriminations. Nous ne voulons pas creuser des fossés, mais construire des passerelles. Un symbole comme le brassard de nos capitaines devait justement en être le signe et contribuer au dialogue ». L’image de la Fifa, déjà mauvaise en Allemagne, a ainsi été définitivement ruinée. Le quotidien « Süddeutsche Zeitung » parle de « méthodes dignes d’un film de gangsters » et l’un des plus grands groupes commerciaux allemands a immédiatement mis fin à ses accords publicitaires avec la DFB. L’attribution de la Coupe du Monde 2006 à l’Allemagne avait certes également été entachée de soupçons de corruption, mais avec l’attribution des Coupes du monde à la Russie pour 2018 et au Qatar pour 2022, la corruption qui n’était jusqu’alors qu’une triste « normalité » a encore pris de l’ampleur.

La DFB soutient le Népal

La DFB a depuis « fait le ménage » dans ses rangs, un processus qui s’est avéré parfois chaotique et n’est pas allé sans souffrances, et désormais, elle s’engage résolument pour les droits des minorités et des travailleurs exploités. Le président de la DFB Bernd Neuendorf a présenté au Qatar un projet dans le cadre duquel 200 000 euros provenant de la fondation de l’équipe nationale seront versés chaque année et pendant 5 ans à un village d’enfants pour des orphelins au Népal. De nombreux ouvriers au Qatar sont originaires du Népal. « L’objectif de ce projet est d’éviter une nouvelle génération de travailleurs migrants. C’est pourquoi il faut améliorer la situation des gens dans leur pays d’origine », a expliqué Bernd Neuendorf

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