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Les mères de la Loi fondamentale

De g. à dr : Friederike Nadig (SPD), Elisabeth Selbert (SPD), Helene Wessel (centre) et Helene Weber (CDU)

De g. à dr : Friederike Nadig (SPD), Elisabeth Selbert (SPD), Helene Wessel (centre) et Helene Weber (CDU), © Bestand Erna Wagner-Hehmke, Stiftung Haus der Geschichte

24.05.2023 - Article

Seules 4 femmes ont participé à l’élaboration de la Loi fondamentale, mais elles ont obtenu l’égalité des droits en Allemagne.

Le Conseil parlementaire qui a rédigé dès 1948 la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne ne comptait que 4 femmes. Cela n’a rien d’étonnant pour l’époque. Certes, les femmes étaient devenues les cheffes de famille pendant la Seconde Guerre mondiale, puis ce fut au tour des « Trümmerfrauen », ces femmes qui ont déblayé les ruines des villes bombardées, de relancer le pays. Mais le retour des hommes est allé de pair avec celui de la répartition traditionnelle des rôles. Les femmes ont alors retrouvé une société patriarcale qui ne leur permettait ni d’ouvrir un compte bancaire, ni de signer un contrat de travail et où le mari avait toujours le dernier mot dans les affaires familiales.

Les hommes et les femmes sont égaux en droits.
Loi fondamentale, article 3, alinéa 2

L’engagement des femmes à l’origine de cette phrase historique introduite dans la Loi fondamentale promulguée le 23 mai 1949 n’en est que plus marquant : « Les hommes et les femmes sont égaux en droits. » Sans Elisabeth Selbert (SPD), Friederike Nadig (SPD), Helene Weber (CDU) et Helene Wessel (centre), cette phrase décisive n’aurait jamais été adoptée. Toutefois, elles ont dû faire preuve de pugnacité et de ténacité pour arriver à leurs fins. Car elles n’étaient que 4 femmes pour 61 hommes qui, eux, ne voyaient pas l’intérêt de cet ajout. Selon les procès-verbaux, les « thématiques féminines » provoquaient souvent des « ricanements ».

Au départ, elles n’étaient d’ailleurs pas d’accord entre elles. C’est la juriste Elisabeth Selbert qui a pris les devants. Elle a d’abord convaincu Friederike Nadig, membre du même parti, puis les deux autres femmes qui, pour leur part, se seraient contentées de la formulation reprise de la Constitution de Weimar : « Les hommes et les femmes ont les mêmes droits et devoirs civiques. »

La demande d’Elisabeth Selbert a été rejetée à plusieurs reprises. Elle a donc fait appel à l’opinion publique et le Conseil, qui siégeait à Bonn, a alors reçu des montagnes de courriers en signe de protestation. Dès lors, les hommes n’ont pas pu se dérober plus longtemps : le principe d’égalité a finalement été voté à l’unanimité. Plus tard, Elisabeth Selbert a parlé de ce moment comme de son « heure de gloire ». Elle était sans doute la plus combative de ces 4 femmes venues de différents courants politiques et qui ont fini par trouver un terrain d’entente.

Elisabeth Selbert (1896 - 1986) – la pionnière

Née Martha Elisabeth Rohde, elle épouse au début des années 1920 le typographe social-démocrate Adam Selbert qui la pousse à passer le baccalauréat. Cette mère de deux enfants suit un cursus universitaire en droit jusqu’au doctorat avec un travail sur « l’altération du lien conjugal comme motif de divorce ». Elle ouvre ensuite un cabinet d’avocats à Kassel où elle emménage avec toute sa famille à l’époque du national-socialisme. Plus tard, elle est élue pour le SPD à l’Assemblée régionale constituante de Grande-Hesse, puis au Conseil parlementaire. Après cela, elle aspire à un mandat de députée mais ne parvient pas à se faire élire. Jusqu’en 1958, elle est membre du Conseil régional de Hesse, puis se retire de la politique et travaille comme avocate jusqu’à un âge avancé.

Friederike Nadig (1897 - 1970) – la réalisatrice

„Frieda“ Nadig est aussi membre du SPD. Elle entre au parti au début des années 1920. À Berlin, elle fréquente l’École sociale féminine et y passe un diplôme de travailleur social. Sous le nazisme, elle est touchée par l’interdiction d’exercer son métier. Après la guerre, elle travaille dans une association caritative et entre en 1947 au Conseil régional de Rhénanie du Nord-Westphalie. Elle est ensuite élue au Conseil parlementaire. Après des débuts plutôt timides sur cette question, elle se positionne rapidement aux côtés d’Elisabeth Selbert dans la lutte pour l’égalité des sexes. De 1949 à 1961, elle siège au Bundestag. Là, elle se distingue par son engagement dans la conception et la mise en œuvre de l’article 3 de la Loi fondamentale.

Helene Weber (1881 - 1962) – la catholique

Elle naît dans une famille politisée, proche du parti du Centre dont elle devient rapidement membre. Elle étudie la philologie romane et l’économie, puis devient institutrice. Cette catholique engagée est mise à la retraite sous le régime nazi, et travaillera dès lors dans l’aide sociale. Après la guerre, elle siège au Bundestag jusqu’en 1962 en tant qu’élue de la CDU.

Helene Wessel (1889 - 1969) – l’insoumise

Très jeune, Helene Wessel entre au parti du Centre et siège entre 1928 et 1933 au Conseil régional de Prusse. Avant cela, elle suit une formation d’assistante sociale et économique à l’enfance. Sous le régime nazi, cette catholique convaincue exerce différentes activités au sein de l’Église. Après la guerre, elle renoue avec l’action politique et devient, en 1946, vice-présidente du parti du Centre. D’abord hésitante sur le sujet, elle soutient ensuite le principe de l’égalité des sexes. Pourtant, elle fait partie des 12 personnes qui n’approuvent pas la nouvelle Loi fondamentale. Car à ses yeux, des droits fondamentaux tels que celui au référendum manquent encore. Helene Wessel est ensuite élue au Bundestag pour le parti du Centre et à partir de 1957 pour le SPD.

L’État promeut la réalisation effective de l’égalité en droit des femmes et des hommes.
Loi fondamentale : article 3, alinéa 2

Les bases du changement

Ces 4 femmes n’ont pas seulement écrit l’histoire, elles ont aussi ouvert la voie à d’autres réformes. Parmi elles, on recense la loi pour l’égalité des sexes (promulguée en 1957), la réforme du droit matrimonial et de la famille (1976), la loi pour l’égalité de traitement au travail (1980) et l’extension de l’article 3 de la Loi fondamentale. Celui-ci a en effet été complété en 1994 : « L’État promeut la réalisation effective de l’égalité en droits des femmes et des hommes et agit en vue de l’élimination des désavantages existants. »

L’égalité des droits est effective dans les textes, mais dans la réalité, il faut encore y travailler. Le nombre de femmes qui occupent des postes de direction dans les domaines politique et économique est encore loin derrière les hommes. Aujourd’hui, au Bundestag, seuls 31 % des députés sont des femmes. Mais sans la formalisation de l’égalité dans la loi, la situation serait encore pire. Et c’est grâce à 4 militantes courageuses qu’elle a considérablement et durablement évolué.

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