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Exposition : l’Allemagne, société d’immigration

Lerato Shadi , „Batho ba ha ba Tlhalonganye“, 2020–2023

Lerato Shadi , « Batho ba ha ba Tlhalonganye », 2020–2023, © Bundeskunsthalle, avec l’autorisation de l’artiste et blank projects, Le Cap, Photo: dewil.ch (CC BY-NC-ND)

25.05.2023 - Article

Comment faire émerger un sentiment commun d’appartenance dans une société d’immigration telle que l’Allemagne ? C’est la question qu’explore l’exposition « Qui nous sommes » à la Bundeskunsthalle de Bonn.

Il avait été tiré au sort pour devenir le millionième travailleur invité arrivé en Allemagne. En 1964, le charpentier portugais Armando Rodrigues de Sa, 38 ans, posait fièrement dans son costume élimé sur la mobylette reçue pour l’occasion. La photo figure dans les livres d’histoire et documentations sur l’histoire de l’immigration en Allemagne. Armando Rodrigues de Sa devait mourir en 1979 au Portugal d’un cancer, sans doute lié à son travail, après avoir dépensé ses économies pour se soigner.

Longtemps, les travailleurs invités dans les années d’après-guerre sont restés invisibles. Il a fallu attendre le 21e siècle pour que l’Allemagne se considère comme une  »société d’immigration« . Mais aujourd’hui, les mentalités ont changé. Cela suffit-il pour l’aspiration des Allemands à l’égalité se traduise concrètement dans les rapports sociaux ? Le passé récent et les débats contemporains permettent d’en douter. Le combat des personnes issues de l’immigration pour faire pleinement partie de la société n’a pas éliminé les discriminations.

Comment est-il possible de faire émerger un  »nous«  commun dans lequel toute la société se reconnaisse ? C’est la question que pose une exposition originale intitulée  »Qui nous sommes« . Elle s’ouvre ce vendredi au musée de la Bundeskunsthalle, à Bonn.

Comment émerge le  »nous« 

William Kentridge, North Pole Map, 2003
William Kentridge, »North Pole Map“, 2003© Bundeskunsthalle, avec l’autorisation de la fondation MAXXI, Photo Patrizia Tocci

À visiter jusqu’au 8 octobre, elle explore l’Allemagne en tant que société d’immigration, au passé et au présent, sous ses multiples facettes. Elle pose des questions de fond et interroge la racine du vivre ensemble. Comment se construit le « nous » qui assure la cohésion d’une société ? Ne peut-il s’élaborer qu’en opposition à un « Autre » ? Ou bien est-il possible de parvenir à un « nous » englobant la société dans toutes ses composantes ?

Le parcours n’évite aucun tabou. L’exposition fait ainsi le bilan des réussites et des lacunes en matière de discriminations. Qu’en est-il de l’égalité si l’on considère l’origine, la religion et la culture ? Et l’identité ? Elle est devenue l’un des mots d’ordre de notre époque. Or, les caractéristiques qui la définissent (origine, religion, appartenance sociale, identité sexuelle, etc.), s’ils génèrent un sentiment d’appartenance, peuvent aussi engendrer selon les mêmes mécanismes des phénomènes d’exclusion et de déclassement.

Regards contemporains sur les discriminations

L’exposition révèle que le schéma de discrimination qui traverse la société de la manière la plus pérenne est le racisme. Longtemps tabou, il est aujourd’hui reconnu comme un problème structurel. « L’une des questions centrales est celle des causes du racisme structurel présent en Allemagne, de ses causes passées et présentes », explique la Bundeskunsthalle. Des analyses et des discours apparaissent pour tenter d’expliquer le fossé entre l’ambition et la réalité. « Si nous ne voulons pas être une société raciste, pourquoi le racisme prend-il alors autant de place ? », s’interroge le musée.

Pour explorer ces thématiques complexes, l’exposition utilise l’art comme porte d’entrée. Les artistes, avant-gardistes par essence, sont les sismographes d’une société. Or, aujourd’hui, leur travail se focalise plus que jamais sur l’affirmation de leur perspective propre et sur son questionnement.

L’identité et les expériences qui forgent l’univers d’un artiste déterminent ainsi le regard que nous portons sur son œuvre. De fil en aiguille, l’exposition en vient à poser la question des structures de pouvoir : qui est vu et entendu ? Qui décide de la visibilité des œuvres ? Jusqu’à quel point les structures de pouvoir sont-elles perméables ?
A.L.

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