Bienvenue sur les pages du Ministère fédéral des Affaires étrangères

Quand les écosystèmes s’effondrent

Le Suédois Johan Rockström est chercheur en impact climatique

Le Suédois Johan Rockström est chercheur en impact climatique, © David Ausserhofer

17.11.2022 - Article

L’impact du changement climatique est sa spécialité : Johan Rockström, directeur de l’Institut de recherche sur l’impact du climat à Potsdam, explique les risques que le réchauffement de la planète fait peser sur la sécurité internationale.

Comment naissent les événements météorologiques extrêmes ? Et quelle est leur influence sur la sécurité internationale ? Johan Rockström, directeur de l’Institut de recherche sur l’impact du climat à Potsdam et professeur à l’université de Potsdam, spécialisé dans la recherche sur le système terrestre, explique les conséquences du changement climatique mondial.

M. Rockström, pourquoi des événements météorologiques extrêmes apparaissent plus fréquemment avec le réchauffement de la planète ?

Avec le réchauffement de la planète, les températures augmentent dans le monde entier. L’eau s’évapore davantage et rejoint l’atmosphère, qui s’enrichit ainsi en énergie. Et plus d’énergie signifie plus d’extrêmes. Cela provoque des changements météorologiques à l’échelle mondiale, avec plus de précipitations et des températures plus élevées. En résumé, on assiste à des événements météorologiques extrêmes comme des sécheresses ou des inondations.

Que se passera-t-il si le réchauffement de la planète dépasse d’ici à la fin du siècle les 1,5 °C fixés dans l’Accord de Paris ?

Actuellement, nous en sommes déjà à 1,2 °C de réchauffement. C’est la température la plus élevée depuis la dernière ère glaciaire, soit depuis plus de 10.000 ans. Si nous continuons comme ça, nous atteindrons les 1,5 °C dans une vingtaine d’années.

Si nous dépassons l’objectif climatique de Paris – c’est-à-dire limiter le réchauffement bien en-dessous de 2 °C – nous franchirons toute une série de points de rupture. Cela signifie que les écosystèmes s’effondreront définitivement, comme la calotte glaciaire au Groenland. Nous y avons déjà atteint un point critique. Si nous arrivons à un point de rupture, la calotte glaciaire fondra totalement sans que nous puissions faire quoi que ce soit pour l’empêcher. Une fonte totale aurait pour conséquence une hausse de 7 mètres du niveau de la mer.

Le chiffre de 1,5 °C est un repère important, calculé par les scientifiques, qu’il ne faut pas dépasser si nous ne voulons pas que les écosystèmes s’effondrent définitivement.

Quelles régions sont particulièrement touchées par le changement climatique ?

Le changement climatique touche déjà l’ensemble de la planète. Que ce soit par des incendies de forêt en Californie, des inondations en Allemagne, la fonte des glaces en Norvège ou des vagues de chaleur massives au Canada. Mais, actuellement, les pays en développement sont les plus vulnérables aux conséquences néfastes du changement climatique. Les pays où la population est la plus touchée se trouvent majoritairement en Afrique et en Asie.

Cela aura-t-il aussi des conséquences en Europe ?

La raréfaction des ressources en Afrique et, probablement, au Proche-Orient également, va provoquer une multiplication des conflits sociaux. Elle entraînera non seulement des mouvements d’exode à l’intérieur des continents, mais aussi vers l’Europe. En outre, les prix des produits alimentaires continueront à monter avec l’augmentation des changements météorologiques extrêmes. Or, un grand nombre de pays en Europe doivent importer jusqu’à 50 % de leurs produits alimentaires. Nous pouvons déjà observer l’impact de la guerre en Ukraine, des sécheresses en Afrique et des vagues de chaleur en Inde sur l’évolution des prix de l’alimentation et, par voie de conséquence, sur l’inflation. Les hausses de prix se poursuivront à l’avenir si nous n’enrayons pas la crise climatique.

Que faire pour arrêter le réchauffement de la planète ?

En 2015, 175 pays ont signé l’Accord de Paris sur le climat. C’est un accord contraignant qui oblige tous les pays signataires à limiter le réchauffement de la planète à bien moins de 2 °C. Pour atteindre cet objectif, la recherche a calculé un « budget carbone » permettant de savoir combien de gaz à effet de serre nous pouvons encore émettre. Celui-ci représente 400 milliards de tonnes de dioxyde de carbone au total. Si nous continuons à produire des émissions au rythme actuel, nous aurons épuisé ce budget dans dix ans. Si nous ne voulons pas mettre fin à l’économie mondiale dans dix ans, il nous faut donc réduire progressivement notre consommation. L’Allemagne souhaite, par exemple, être climatiquement neutre d’ici à 2045, l’Inde d’ici à 2070.

Quel rôle joue l’Allemagne pour atteindre cet objectif ?

Un bon exemple allemand est la sortie prévue du charbon. Le pays souhaite fermer sa dernière centrale au charbon fin 2038. Actuellement, l’Allemagne tire plus de 40 % de son énergie de combustibles fossiles. Si, en tant que quatrième puissance économique mondiale, la République fédérale parvient à ramener à zéro ses émissions de dioxyde de carbone, ce sera un signal fort lancé à toutes les autres nations.

L’Allemagne est donc sur la bonne voie. Du point de vue scientifique, la quasi-totalité des pays progressent toutefois trop lentement, y compris l’Allemagne.

© www.deutschland.de

Retour en haut de page