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Heinrich Schliemann, un aventurier sur les traces d’Homère

L’homme d’affaires et archéologue allemand Heinrich Schliemann (1822-1890) et le célèbre « masque d’Agamemnon » découvert sur le site archéologique de Mycènes, © picture-alliance / akg-images | akg-images / © picture-alliance / akg-images / Erich Lessing | Erich Lessing
Il y a 200 ans naissait Heinrich Schliemann, l’un des pères de l’archéologie allemande, considéré comme le découvreur de Troie. Portrait d’un passionné révéré et controversé.
Il y a une part de rat de bibliothèque et une autre d’Indiana Jones en Heinrich Schliemann (1822-1890). Peut-être est-ce ce qui fascine les uns et agace les autres. Considéré comme le découvreur de la cité antique de Troie, ce passionné des épopées d’Homère a contribué à fonder l’archéologie allemande dans la deuxième moitié du XIXe siècle, en mettant au jour des trésors inestimables. Mais sa personnalité et ses méthodes impétueuses demeurent jusqu’à aujourd’hui controversées. Des expositions lui seront consacrées cette année en Allemagne à l’occasion du 200e anniversaire de sa naissance, le 6 janvier 1822. Elles aideront à mieux cerner une vie véritablement romanesque.
Fils de pasteur né à Neubukow, près de Rostock (nord de l’Allemagne), Heinrich Schliemann a connu une enfance modeste sur les rives de la mer Baltique. Mais ce fut sans doute la seule période monotone de sa vie. Et déjà, un livre sur les épopées d’Homère, l’« Iliade » et l’« Odyssée », est venu enflammer l’imagination du jeune garçon. Très tôt, Heinrich Schliemann a dit à son père qu’il découvrait un jour les ruines de la mythique cité de Troie.
Une vie d’aventure
Mais l’argent manque. Schliemann, cinquième d’une famille de neuf enfants, ne peut aller au lycée. Il entame une formation d’apprenti commerçant. Puis il veut s’expatrier en Amérique. Mais le navire s’échoue en mer du Nord. Il débute alors une carrière commerciale à Amsterdam. Il apprend seul une quinzaine de langues en autodidacte, dont le russe et le français. Les affaires tournent et Schliemann fait fortune. Il crée à Saint-Petersbourg un comptoir pour la vente de denrées coloniales. Il fournit l’armée du tsar lors de la guerre de Crimée. Puis il double sa fortune en ouvrant une banque en Californie en pleine ruée vers l’or.
Débarrassé de tout souci matériel, Heinrich Schliemann change alors de vie. Il multiplie les voyages à travers l’Europe, l’Orient, l’Inde, le Japon, la Chine. A 40 ans, il est rattrapé par sa passion et reprend des études de grec ancien à la Sorbonne, à Paris. Homère n’a plus de secret pour lui. A 46 ans, il part pour la côte occidentale de la Turquie et débute une carrière d’archéologue. Persuadé d’avoir découvert le site de l’antique Troie, il entreprend en 1870 des fouilles sur la colline d’Hisarlik, avant même d’avoir reçu l’aval des autorités ottomanes, qu’il obtiendra un an plus tard.
Aux origines de l’archéologie

Dans sa fougue et son inexpérience, il creuse sans précaution un immense fossé de 800 mètres carrés et de 17 mètres de profondeur. Il finit par découvrir en 1873 des trésors archéologiques inestimables : bijoux, céramiques, outils en métal, etc. Sa collection d’« antiquités troyennes » compte plus de 10 000 pièces. Y figure notamment le « Trésor de Priam », baptisé par Schliemann du nom du dernier roi de Troie. Dans la foulée, Schliemann entame des fouilles à Mycène. Il y met au jour un somptueux masque funéraire en or, qu’il attribue au héros et roi de Mycène Agamemnon. Il fera don d’une grande partie de sa collection à un musée allemand.
Ses découvertes font le tour du monde. Elles contribuent à poser les bases de l’archéologie. Mais les méthodes et les déductions de Schliemann sont, dès l’origine, controversées. On sait aujourd’hui que le célèbre et somptueux « Trésor de Priam » (pillé par les Soviétiques en 1945 et aujourd’hui détenu par le musée Pouchkine) date en réalité d’une haute civilisation de l’Âge de Bronze. Quant au « masque d’Agamemnon », il est aussi très antérieur au règne du héros grec.
En creusant sans précaution, Schliemann a atteint une couche de sédiments antérieur de plus de mille à l’époque de Troie, expliquent les archéologues contemporains. Il a ainsi détruit pour toujours des vestiges inestimables. Mais si l’on admet qu’il a bien découvert le site de Troie, ce qui reste débattu, on lui doit malgré tout, outre ses découvertes, d’avoir montré que le récit d’Homère avait un fondement historique.
Une grande exposition, qui s’ouvrira en mai sur l’Île-des-musées à Berlin, explorera sa personnalité complexe. Intitulée « Les univers de Schliemann » (13 mai- 6 novembre à la galerie James Simon et au Neues Museum), elle fera aussi le point sur ses découvertes à la lumière des connaissances d’aujourd’hui. De son côté, le musée Schliemann d’Ankershagen, dans le Mecklembourg, propose trois expositions à l’occasion de cette année du bicentenaire. La première débute le 8 janvier et s’intitule « Und überall sprach man plötzlich von Troja » (litt. : et soudain, on parla partout de Troie).
A.L.
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