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Annette von Droste-Hülshoff, moderne avant l’heure

La grande écrivaine allemande Annette von Droste-Hülshoff (g.) et le château de Hülshoff, près de Münster, en Westphalie (dr.), © picture-alliance / akg-images | akg-images; (c) picture alliance / Peter Schickert | Peter Schickert
Annette von Droste-Hülshoff (1797-1848) est aujourd’hui considérée comme la plus grande autrice allemande du XIXe siècle. Mais la reconnaissance fut longue à venir pour cette descendante de la noblesse westphalienne née il y a 225 ans.
Lorsqu’elle s’est éteinte, en mai 1848, le vent de la Révolution et ses aspirations démocratiques soufflaient sur l’Allemagne. Rien ne pouvait lui être plus étranger. Elle descendait de l’une des plus anciennes familles de la noblesse de Westphalie. Elle avait passé sa vie confinée dans un milieu familial conservateur aux contours restreints, fortement imprégné par le catholicisme. L’écrivaine Annette von Droste-Hülshoff, méconnue de son vivant, est tombée dans l’oubli après sa mort. Mais le XXe siècle l’a redécouverte, au point d’en faire l’effigie du billet de 20 deutschemarks. Aujourd’hui, 225 ans après sa naissance, elle est considérée comme la plus grande autrice allemande du XIXe siècle. Ses œuvres sont étudiées sur les bancs de toutes les écoles.
Sa vie explique sans doute en grande partie cette reconnaissance tardive. Née grande prématurée, de santé fragile et très myope, Annette von Droste-Hülshoff a mené une existence loin du monde. Grande lectrice dès son plus jeune âge, elle a commencé tôt à écrire. Plus tard, elle deviendra aussi compositrice et se liera avec Robert et Clara Schumann. Sa mère encouragea d’abord cette passion. Mais lorsque la jeune femme décida de publier son premier recueil de poèmes, en 1838, elle tenta de l’en empêcher et contribua à l’insuccès du livre.
Plus jeune, à l’âge de 20 ans, elle avait dû renoncer à se marier pour n’avoir pas su se décider entre deux prétendants. Elle entendait choisir son mari et non se laisser choisir. Elle perdit les deux courtisans, et fut dès lors plus que jamais soumise à l’influence de son entourage familial. Ses poèmes célèbres, tels que « Das Spiegelbild », sont traversés par cet élan brisé de la réalisation de soi et par la résignation transformée en élan littéraire.
Il serait excessif de voir en Annette von Droste-Hülshoff une féministe avant l’heure. Mais il est certain qu’elle était plus moderne que l’image qu’elle a donné à ses contemporains. Sa modernité nous touche aujourd’hui, car elle fait écho à des questionnements de notre époque.
Son œuvre révèle une très fine connaissance de la psychologie humaine. « Die Judenbuche » (« Le hêtre aux juifs »), son ouvrage le plus célèbre, publié en 1842, est ainsi bien davantage qu’un roman policier. Ce récit d’un vol de bois nocturne et du meurtre inexpliqué d’un juif est une étude sociologique qui déploie les grands thèmes de l’alcoolisme, de la pauvreté et de la violence.
Rien n’est univoque chez Annette Droste-Hülshoff. Ses œuvres comportent toujours une part d’obscurité et de réalité insondable. Elles sont portées par une grande puissance d’expression, des images fortes et des questionnements profonds. Est-ce pour cela qu’elles nous fascinent encore au XXIe siècle ?
A.L.