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Heinrich Vogeler, itinéraire d’un artiste engagé

Heinrich Vogeler, « Sommerabend » (1905) de g. à dr., devant le Barkenhoff à Worpswede : Paula Becker, Agnes Wulff, Otto Modersohn, Clara Westhoff, Martha Vogeler, son frère Martin Schröder, Franz Vogeler et Heinrich Vogeler, © picture alliance / akg-images | akg-images
Il y a 150 ans naissait Heinrich Vogeler, icône de l’Art nouveau et artiste engagé. Quatre musées de l’ancienne colonie d’artistes de Worpswede, près de Brême, retracent son étonnant parcours. Ils mettent en lumière des échos avec l’actualité.
« Der Neue Mensch » (litt. : L’Homme Nouveau) : c’est ainsi que s’intitule la vaste rétrospective que les musées de Worpswede (Basse-Saxe) consacrent jusqu’au 6 novembre à Heinrich Vogeler (1872-1942). Le peintre allemand, figure de l’Art nouveau, a été l’un des fondateurs de la colonie d’artistes installée à la fin du XIXe siècle dans la banlieue de Brême. Il s’est par la suite illustré par son engagement pour la paix et la classe ouvrière au sein du mouvement socialiste. Cent cinquante ans après sa naissance, les musées de Worpswede retracent les multiples facettes de son parcours et de son œuvre. Certaines d’entre elles font écho à l’actualité.
Co-fondateur de la colonie d’artistes de Worpswede
Fils d’un quincailler aisé, Heinrich Vogeler grandit à Brême. Après ses études à l’Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf, il rejoint en 1894 les artistes Fritz Mackensen, Otto Modersohn et Hans am Ende. Ils fondent ensemble la célèbre colonie artistique de Worpswede. Vogeler y achète une ferme, qu’il baptise Barkenhoff. Il réalise lui-même les aménagements intérieurs. Le lieu devient un rendez-vous d’artistes et d’intellectuels où l’on croise les peintres Otto Modersohn et Paula Modersohn-Becker, la sculptrice Clara Westhoff, et les écrivains Rainer Maria Rilke, Richard Dehme, Gerhard et Carl Hauptmann, ainsi que Thomas Mann.
Heinrich Vogeler trouve ses premières inspirations chez les préraphaélites. Peintre, illustrateur et designer, il devient peu à peu l’une des figures de l’Art nouveau en Allemagne, rencontrant le succès auprès d’un public bourgeois. Sa plus célèbre toile, « Sommerabend » (1905) (photo), évoque une soirée entre amis sur la terrasse de Barkenhoff, dans un décor antiquisant et floral typique du Jugendstil. Elle reflète l’aspiration à un monde perdu, tissé d’idéaux, d’utopies et de mythes. Un monde au décor parfait jusque dans les moindres détails où l’art se veut le prophète d’une vie meilleure.
De l’Art nouveau à l’engagement social

La Première Guerre mondiale déchire ce voile et inaugure un nouveau chapitre dans la vie de Vogeler. L’artiste s’engage volontairement. Il devient officier de liaison dans les Carpates. Mais la guerre le transforme. Il en revient pacifiste radical et défenseur d’une transformation sociale de la société. En janvier 1918, il écrit une lettre ouverte à l’Empereur Guillaume II dans laquelle on peut lire : « Remplacez les mots par les actes ! La vanité de la victoire par l’humilité, et le mensonge par la vérité ! La destruction par la construction ». Un appel à la paix hardi pour l’époque.
Dans l’exposition, « il apparaît que Heinrich Vogeler était mû par l’idée de mettre son art au service d’une vie meilleure bien avant la Première Guerre mondiale », explique Beate Arnold, la commissaire de l’exposition. Les idéaux politiques qu’il commence à développer au Barkenhoff à partir de 1918 annoncent sa quête d’un « Homme Nouveau », autour duquel s’organiserait un nouvel ordre social. Ces thèmes vont dominer les deux dernières décennies de son existence.
Heinrich Vogeler s’engage ainsi de manière croissante dans le mouvement ouvrier et le socialisme. Son style pictural évolue vers l’expressionnisme, puis vers un réalisme chantant la condition ouvrière et paysanne. Il effectue son premier voyage en Union soviétique en 1923. Il y demeurera de 1931 à sa mort en 1942, exilé par le régime soviétique dans le kolkhoze Karaganda, au Kazakhstan.
D’hier à aujourd’hui
L’exposition retrace toutes les phases et toutes les facettes de cette vie et cette œuvre si singulières. Ancienne demeure du peintre, le musée Barkenhoffen en déroule les étapes biographiques et stylistiques. Le musée Große Kunstschau décrit les relations de Heinrich Vogeler avec les autres artistes de la colonie de Worpswede. Les musées de la Worpsweder Kunsthalle et Haus im Schluh présentent l’œuvre graphique et l’art appliqué. Enfin, la Große Kunstschau consacre un chapitre aux œuvres de 19 artistes contemporains qui font écho aux idéaux sociaux et politiques du peintre allemand.
Cette exposition inaugure l’année Heinrich Vogeler 2022. Le 12 mai suivra la sortie du film de Marie Noëlle, « Heinrich Vogeler – Aus dem Leben eines Träumers ». Enfin, les musées de Worpswede lancent un projet d’art et de recherche étalé sur cinq ans, et intitulé « Zeitenwende. Kunst im Aufbruch ». Il s’agira, dans un monde en pleine mutation, d’explorer la question du rôle de l’art et de la culture dans les époques de grands bouleversements.
A.L.
Heinrich Vogeler, Der Neue Mensch
(litt. : Heinrich Vogeler, L’Homme Nouveau)
Exposition anniversaire des musées de Worpswede à visiter jusqu’au 6 novembre 2022
En savoir plus :
Musées de Worpswede (en allemand/ anglais)
Exposition, film et programm autour du 150e anniversaire de Heinrich Vogeler (en allemand)