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Moses Mendelssohn, figure juive des Lumières allemandes

Affiche de l’exposition « Nous ne rêvons de rien d’autre que des Lumières. Moses Mendelssohn », Musée juif de Berlin, Design: Stefan Becker; D. N. Chodowiecki. Portrait de Moses Mendelssohn, Collection  de l’Institut historique juif E. Ringelblum de Varsovie ; Extrait du roman graphique « Moische. Sechs Anekdoten aus dem Leben des Moses Mendelssohn », Texte et dessins: Typex. Musée juif de Berlin / Scratchbooks, Avril 2022

Affiche de l’exposition « Nous ne rêvons de rien d’autre que des Lumières. Moses Mendelssohn  », Musée juif de Berlin, Design: Stefan Becker; D. N. Chodowiecki. Portrait de Moses Mendelssohn, Collection de l’Institut historique juif E. Ringelblum de Varsovie ; Extrait du roman graphique « Moische. Sechs Anekdoten aus dem Leben des Moses Mendelssohn  », Texte et dessins: Typex. Musée juif de Berlin / Scratchbooks, Avril 2022, © Musée juif de Berlin

25.04.2022 - Article

Héraut du savoir, de la tolérance et de l’émancipation, il a été l’un des grands précurseurs juifs des Lumières allemandes. Le Musée juif de Berlin consacre une grande exposition au philosophe Moses Mendelssohn (1729-1786). Ses questions font écho aux nôtres.

« Nous ne rêvions que des Lumières, et pensions avoir suffisamment baigné la région des lumières de la raison pour que la superstition ne surgisse plus jamais. Mais nous voyons déjà poindre de l’autre côté de l’horizon la nuit et tous ses fantômes. Le plus terrible est l’activité, la puissance de ce mal. La superstition agit, la raison se contente de parler ».

Ces quelques lignes sont extraites de la correspondance du philosophe allemand Moses Mendelssohn (1729-1786). Elles ont été écrites au médecin et philosophe suisse Johann Georg Zimmermann en 1784. Pourtant, elles semblent faire écho à nos débats d’aujourd’hui. Grand précurseur juif des Lumières allemandes, Moses Mendelssohn est toujours actuel. Jusqu’au 11 septembre, le Musée juif de Berlin propose de le redécouvrir à travers une grande exposition.

Intitulée « Nous ne rêvions que des Lumières : Moses Mendelssohn », elle retrace sur 900 mètres carrés la vie et l’œuvre du penseur universaliste allemand. Elle rassemble des écrits, des portraits, des livres, un rideau de Torah, des objets, des cartes interactives, ainsi que des extraits audio et vidéo. À travers la figure de Moses Mendelssohn émerge tout un pan de l’histoire de Berlin à l’époque des Lumières.

Berlin, creuset de la modernité juive

« Nous mettons en avant la perspective juive », souligne la directrice du musée, Hetty Berg. « Et nous montrons comment le Berlin du XVIIIe siècle s’est transformé en un creuset où se sont rencontrées des visions juives et non-juives pour faire émerger une modernité juive qui a influencé presque toute l’Europe. »

L’exposition retrace ainsi l’itinéraire de Mendelssohn, descendant d’une famille d’enseignants et d’érudits de Dessau. À 14 ans, il suit son professeur à Berlin. Le jeune homme, esprit universel avide de savoir, tente de se faire une place dans la Prusse de Frédéric II, dont les lois sont très restrictives pour les juifs. Il multiplie les emplois alimentaires. Et il parvient à se forger parallèlement une solide formation intellectuelle et à tisser autour de lui un réseau d’amis et de correspondants.

Lunettes et étui de Moses Mendelssohn, 2e moitié du XVIIIe siècle, avec l’aimable autorisation de l’Institut Leo Baeck, New York
Lunettes et étui de Moses Mendelssohn, 2e moitié du XVIIIe siècle, avec l’aimable autorisation de l’Institut Leo Baeck, New York© Musée juif de Berlin

Sa carrière intellectuelle débute. Il devient l’un des représentants d’une pensée progressiste exaltant la raison, la tolérance, la liberté d’expression et la vision d’une société pluraliste. L’écrivain Gotthold Ephraim Lessing et l’éditeur berlinois Friedrich Nicolai comptent parmi ses amis. Lors de la première de la pièce « Nathan le Sage », plaidoyer pour la tolérance religieuse, les contemporains croient identifier Moses Mendelssohn derrière le personnage de Nathan. Même si, pour le philosophe, la tolérance n’est pas synonyme d’indifférenciation entre les religions.

De fait, Mendelssohn reste ancré dans sa tradition juive, tout en prônant une religion naturelle guidée par la Raison. Il jette des ponts entre la tradition religieuse et les progrès de la raison. Il plaide pour la séparation de la religion et de l’État, et pour l’émancipation des juifs, qui sont victimes de nombreuses discriminations. Polyglotte, il se distingue aussi par son travail de traducteur. Sa traduction et ses commentaires de la Torah permettent aux juifs parlant le yiddish d’apprendre à mieux maîtriser l’allemand standard.

Échos contemporains

Nombre de ses questionnements et de ses réflexions rejoignent ainsi des débats qui nous occupent encore aujourd’hui. Qui a le droit de séjour ? Comment échanger avec des personnes d’avis différent ? Comment stopper les fausses informations ? Faut-il abandonner sa tradition pour atteindre l’égalité des droits ? L’intégration affaiblit-elle l’identité culturelle ? Mendelssohn a développé la vision d’une société pluraliste fondée sur l’État de droit. Elle peut, sans aucun doute, être un apport fécond dans les débats contemporains.

L’héritage de Moses Mendelssohn est universel, a souligné le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, lors de l’inauguration de l’exposition. « La tolérance, la liberté d’expression, la force de la raison et de la science, une coexistence pacifique entre les religions, l’humanisme et les droits de l’Homme : toutes ces valeurs nous relient à lui. Nous les devons aux Lumières. C’est sur elles que reposent nos démocraties libérales modernes. »

L’héritage de Mendelssohn est aussi un message de tolérance, a-t-il ajouté. Le philosophe « s’est battu pour que les Juifs puissent sortir de l’isolement qu’ils subissaient depuis le Moyen-Âge, et faire partie de la société bourgeoise alors en formation », a dit le président. Il a lui-même subi les clichés antisémites, les discriminations et les humiliations. « Il a souffert de la distinction entre les Juifs et les Allemands, qui avait pour but d’exclure ». À l’heure où « cette forme d’exclusion existe encore aujourd’hui dans notre pays », il nous a légué l’idée que les juifs ne sont pas des étrangers. « Ils font partie de nous. »
A.L.

« Wir träumten von nichts als Aufklärung: Moses Mendelssohn »
(« Nous ne rêvions que des Lumières : Moses Mendelssohn  »)
Exposition au musée juif de Berlin jusqu’au 11 septembre 2022

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