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A Cologne, un musée expose des bronzes du Bénin pour la dernière fois

Vue de l’exposition I MISS YOU à Cologne

Vue de l’exposition I MISS YOU à Cologne, © Fadi Elias

19.05.2022 - Article

Le musée Rautenstrauch-Joest de Cologne expose 96 œuvres d’art inestimables pillées à la cour du Royaume du Bénin à l’époque coloniale. Présentes dans ses collections depuis une centaine d’années, elles doivent être restituées cette année au Nigéria.

Sculptures en bois, statuettes en ivoire, plaques en laiton : l’Allemagne s’est engagée à restituer cette année au Nigéria les bronzes du Bénin détenus dans ses musées. Ces objets inestimables ont été pillés en 1897 dans le Palais du Royaume du Bénin par des soldats britanniques, puis dispersés dans des musées européens. L’Allemagne en possède la deuxième collection (1228 objets au total) après le Royaume-Uni. 96 d’entre eux, qui sommeillaient depuis un siècle dans les dépôts, sont exposés au musée Rautenstrauch-Joest de Cologne.

L’intention du musée est de les présenter une dernière fois au public. L’exposition doit s’achever avec leur restitution, dont la date n’a pas encore été fixée. Mais l’ambition ne s’arrête pas là. Ces objets, confectionnés entre le XVIe et le XVIIIe siècle, possèdent pour les Africains une grande valeur culturelle, identitaire et sacrée. L’exposition, intitulée « I miss you  », entend en rendre compte en mettant en avant l’expérience de la perte et du souvenir.

Bien plus de que des objets d’art

Coq, artiste non documenté, Royaume du Benin, Nigeria, fin du 18e/ début 19e s., alliage de cuivre. Fabriqué pour le Oba (roi) du Benin, depuis 1902 au musée RJM de Cologne. Exposition I MISS YOU, Cologne
Coq, artiste non documenté, Royaume du Benin, Nigeria, fin du 18e/ début 19e s., alliage de cuivre. Fabriqué pour le Oba (roi) du Benin, depuis 1902 au musée RJM de Cologne. Exposition I MISS YOU, Cologne© Fadi Elias

« Il est question de mémoires brisées, de douleurs coloniales fantômes et de traumatismes liés à l’héritage colonial fait de destruction et de spoliation, qui ont été transmis de génération en génération », explique le musée. Ce traumatisme n’épargne personne : ni les Nigérians nés après l’indépendance de l’ancienne colonie britannique (1960), ni leurs compatriotes de la diaspora, dont certains vivent en Allemagne.

L’artiste et historienne d’art Peju Layiwola en parle avec une émotion palpable dans un film projeté sur le sol du musée. Arrière-arrière-petite-fille du Oba (roi) Ovonramwen Nogbaisi, qui était au pouvoir lors de l’attaque britannique de 1897, elle efface avec soin les numéros d’inventaire inscrits sur les objets. Ils constituent un symbole d’avilissement, d’oppression et de violence, explique-t-elle. « C’est aux esclaves qu’on donne un numéro ».

Lorsqu’elle contemple les bronzes du Bénin, Peju Layiwola est d’abord « fascinée par leur beauté ». Mais cela lui rappelle aussi « qu’ils ont été dérobés dans des circonstances où des êtres humains ont été assassinés, que des gens sont morts lorsque ces œuvres sont arrivées ici [en Allemagne] ». Lors de l’attaque de Bénin-City en 1897, les 1200 soldats d’élite britanniques commandés par l’amiral Sir Harry Rawson ont fait de nombreuses victimes, incendié la ville et contraint à l’exil le souverain de l’un des plus puissants royaumes de l’histoire de l’Afrique.

Réparer les fractures ouvertes par la période coloniale

L’exposition «  I miss you  » entend contribuer à panser ces blessures. A l’heure de la restitution, elle tente d’ouvrir une perspective de réconciliation. Elle entend offrir « un espace pour se rencontrer et pour se confronter à l’histoire, longue et complexe, des œuvres d’art de la cour du Bénin, qui ne se résume pas à l’acte de restitution », souligne le musée. Elle tente « de transformer l’absence en présence ». C’est une « plateforme pour permettre le travail de deuil et le processus de guérison jamais achevé des fractures coloniales au sein de notre société. »

A.L.

I miss you
Exposition au musée Rautenstrauch-Joest de Cologne

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