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Penser un monde en crise

Penser l’état du monde contemporain et ses multiples crises : c’est le programme du 10e Festival de philosophie Phil Cologne, qui se tient ces jours-ci sur les bords du Rhin, © picture alliance / blickwinkel/McPHOTO/M. Gann | McPHOTO/M. Gann
Le festival de philosophie Phil.Cologne se tient jusqu’à mardi sur les bords du Rhin. Loin des cours magistraux, il invite à penser le monde contemporain avec de grands esprits du présent et du passé. Et pourquoi pas à cultiver l’amour de la sagesse ?
Un festival de philosophie ? L’idée a pu surprendre. Lancé en 2013 dans la foulée de la version allemande du magazine Philosophie, Phil Cologne était un concept inédit. Inspiré du salon littéraire Phil Cologne, il avait pour mot d’ordre le plaisir. Plaisir de réfléchir sur le monde. Plaisir de lire ou de relire des auteurs majeurs. Plaisir d’échanger et de débattre. Dix ans plus tard, l’eau (du Rhin) a coulé sous les ponts. Phil Cologne s’est installé dans le paysage. Il offre des discussions stimulantes face à un monde de plus en plus en perte de repères, qui saute de crise en crise. L’édition 2022 ne fait pas exception.
Pour son retour en présentiel après la pandémie, Phil Cologne fait ainsi la part belle à l’actualité. Le festival s’est ouvert sur un débat intitulé « Changement d’ère. L’Allemagne et la guerre ». Le sociologue autrichien spécialiste des migrations Gerald Knaus, le philosophe Julian Nida-Rümelin, le publiciste et historien Gerd Koenen et le juriste et philosophe du droit Reinhard Merkel ont croisé leurs points de vue sur le « changement d’ère » annoncé par le chancelier allemand, Olaf Scholz, au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Comment interpréter cette nouvelle orientation radicale qui réintègre la logique de la guerre dans la pensée et l’action pour défendre la liberté ?
Des perspectives nombreuses et stimulantes sur le monde contemporain
L’Ukraine, la Russie et la guerre sont au programme de plusieurs débats jusqu’à mardi. Le programme du festival est un véritable un kaléidoscope de l’époque. Il présente sous différentes perspectives ses innombrables crises et ses grandes controverses : la démocratie, le bitcoin, le wokisme, la nouvelle normalité d’un état de crise permanent, les inégalités, l’identité, la transsexualité, la tension entre liberté et contrainte, le vivre ensemble, le rapport au travail, les réseaux sociaux, l’antispécisme ou encore le rapport à la mort.
Quelques-unes des problématiques abordées : « Avoir la foi ou douter ? », « Un simple rouage dans la machine ? Repenser le travail », « Bitcoin : change the money, change the world ? », « Quel degré d’inégalité est acceptable ? », « Sommes-nous encore capables de convivialité ? », « Radicale tendresse : pourquoi l’amour est politique », « Qu’est-ce qui nous permet de faire société ? », « Désormais, la crise perpétuelle ? », « Que faire : l’éthique en période de crise », « La neurochirurgie, le cerveau et l’âme ». La palette est large.

Comme chaque année, les intervenants viennent d’horizons divers, de la littérature à la politique en passant par les sciences, les sciences sociales et bien sûr la philosophie. Plusieurs personnalités sont présentes, parmi lesquelles le philosophe Peter Sloterdijk, l’écrivain Bernhard Schlink, l’actrice Katja Riemann, la théologienne Margot Kässmann et l’homme politique Gregor Gysi.
L’ouverture d’esprit est de rigueur, loin du politiquement correct ou de la communication. Le député du parti d’extrême gauche Die Linke Gregor Gysi se propose ainsi de révéler sans langue de bois « Ce que les hommes politiques ne disent pas », autrement dit la manière dont ils polissent leurs discours pour ne pas être piégés par de « petites phrases » sur des dossiers complexes. Quant à la journaliste Catherine Neumark, elle anime un entretien avec John McWhorter, l’auteur du « livre dont tout le monde parle aux Etats-Unis », intitulé « Woke Racism ».
De l’espoir dans un monde en crise
Au fil des débats, le festival Phil Cologne dresse le panorama d’un monde en crise, traversé de drames imprévus et de fractures croissantes. Mais il découvre aussi des raisons d’espérer. Comment sortir de la peur ? Comment retrouver la liberté d’accepter nos peurs, attisées par les crises, voire parvenir à exploiter ces peurs dans un sens positif ? Devons-nous apprendre à improviser face à la nouvelle normalité d’un monde en crise permanente qui nous insécurise ? Comment se mettre en lien avec des personnes qui partagent nos vues pour remédier au sentiment d’impasse et à l’absence d’avenir et pour créer l’avenir qui nous voulons ? Ces questionnements là aussi sont à l’affiche. Une séance de méditation est même proposée en clôture du festival. Histoire de se souvenir que la « philosophie » nous invite avant tout à cultiver l’« amour de la sagesse ».
A.L.