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L’exposition documenta, entre art et scandale

Affiche de la documenta 15 devant des dessins de l’artiste roumain Dan Perjovschi sur les colonnes du musée Fredericianum, à Kassel (Hesse), © picture alliance/dpa | Swen Pförtner
C’est l’une des plus importantes expositions d’art contemporain au monde. La documenta vient d’ouvrir ses portes à Kassel (Hesse). Mais cette 15e édition a débuté sur un scandale.
Elle présente les œuvres de 1 500 artistes contemporains du monde entier sur 32 sites répartis à travers la ville de Kassel (Hesse). L’exposition documenta est, avec la Biennale de Venise, l’une des principales foires d’art contemporain au monde. Organisée tous les cinq ans, elle attend un million de visiteurs jusqu’au 25 septembre. Mais cette 15e édition a ouvert ses portes sur un scandale.
L’organisation de l’exposition avait été pour la première fois confiée à un collectif d’artistes, le groupe indonésien ruangrupa. L’intention était de donner la parole à des artistes de l’hémisphère sud et de leur permettre ainsi de présenter leur vision du monde. Mais depuis plusieurs semaines, des rumeurs d’antisémitisme couraient au sujet des choix effectués. Jusqu’à l’éclat au moment de l’inauguration.
Fait inhabituel, tout d’abord, le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, a vivement tancé dans son discours l’absence d’artistes juifs ou israéliens. Il s’est dit perturbé « lorsque des représentants du Sud refusent de prendre part à des événements, à des conférences ou à des festivals auxquels participent des juifs israéliens, comme c’est désormais le cas de plus en plus fréquemment. » La reconnaissance de l’existence d’Israël constitue, en Allemagne, la condition et le fondement du débat, a-t-il souligné.
Selon le président, l’art est libre. « L’art peut être choquant, il doit provoquer des débats », a-t-il dit. Et critiquer la politique israélienne est tout aussi permis. « Mais une frontière est franchie lorsque la critique envers Israël se transforme en mise en cause de son existence ».
Représentations à caractère antisémite

La discussion s’est rapidement focalisée sur une bannière présentée sur l’un des sites phares de l’exposition documenta. Cette œuvre, réalisée par le collectif indonésien Taring Padi, intitulée « People’s Justice », montre un soldat coiffé d’une tête de porc, portant une étoile de David et l’inscription « Mossad » sur son casque. On y distingue aussi un homme aux longues dents qui rappelle les caricatures antisémites de juifs orthodoxes.
La critique concerne également une autre œuvre, intitulée « Guernica Gaza ». Créée par le groupe d’artistes palestiniens « The Question of Funding », elle montre des soldats israéliens en train d’attaquer des paysans palestiniens. Ce collectif, très critique envers l’occupation israélienne, est accusé d’être liée au mouvement Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS) qui prône le boycott d’Israël en raison de son occupation des Territoires palestiniens.
Plusieurs associations et personnalités juives sont montées au créneau ces derniers jours pour dénoncer le caractère antisémite des œuvres. Le président du Conseil central des juifs d’Allemagne, Joseph Schuster, a estimé qu’une ligne rouge avait été franchie. Il a demandé que l’on en tire des conséquences. La président de la communauté cultuelle israélite de Munich, Charlotte Knobloch, s’est dite « horrifiée par cette haine nue envers les juifs ». La ministre allemande déleguée à la Culture, Claudia Roth, s’est également jointe à l’indignation.
Très rapidement, la bannière « People’s Justice » a été recouverte d’un voile, puis démontée. Le scandale n’est toutefois pas retombé. De plus en plus de voix s’élèvent pour demander la démission de responsables.
Hier, le collectif ruangrupa a publié sur le site web de l’exposition un communiqué d’excuses. « C’est notre faute », écrivent ses membres. « Nous nous excusons pour la déception, la honte, la frustration, la trahison et le choc que nous avons causés auprès de nos spectateurs ».
A.L.