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Discours de la ministre des Affaires étrangère sur la Stratégie de sécurité nationale

La ministre fédérale des Affaires étrangères Annalena Baerbock lors de son allocution devant le Bundestag

La ministre fédérale des Affaires étrangères Annalena Baerbock lors de son allocution devant le Bundestag, © picture alliance/dpa | Bernd von Jutrczenka

19.06.2023 - Article

La ministre fédérale des Affaires étrangères Annalena Baerbock a tenu un dicours devant le Bundestag au sujet de la première Stratégie de sécurité nationale pour l'Allemagne.

Peu de mots allemands seulement ont réussi à passer dans le langage anglais : on connaît bien « Schadenfreude » (se réjouir du malheur d’autrui), « Zeitgeist  » (l’esprit du temps) ou encore « Wanderlust » (l’envie de randonner). Le chancelier fédéral a désormais marqué une nouvelle expression : « Zeitenwende », le tournant historique. C’est précisément ce qui est au cœur de la première Stratégie de sécurité nationale pour notre pays.

Cette stratégie n’est pas un simple plan de travail, elle est un miroir. Un miroir qui reflète une nouvelle façon, dans notre pays, d’appréhender la sécurité face à la guerre d’agression brutale menée par la Russie contre l’Ukraine et contre l’ordre de paix européen. Dorénavant, la sécurité n’est plus réservée aux seules sphères militaire et diplomatique, définie par des Livres blancs élaborés dans les ministères de la Défense et des Affaires étrangères. Dorénavant, la sécurité demande une approche intégrée qui englobe tous les aspects de notre vie.

C’est cette nouvelle façon de penser que décrit le terme de « Zeitenwende », ou tournant historique. Certains disent, je l’ai souvent entendu : tout cela est très banal, évidemment que les différents ministères travaillent ensemble. Malheureusement, ce n’était pas si évident que cela par le passé.

Je suis reconnaissante et très heureuse que notre ambition formulée dans cette Stratégie de sécurité nationale soit le fruit d’efforts si intenses, mais aussi si controversés, de toutes celles et tous ceux qui, au sein de ce Bundestag allemand, croient en la sécurité, la démocratie et la liberté. Car lorsqu’on fait quelque chose pour la première fois, il faut beaucoup de bonnes idées, il faut des discussions, et il faut être prêt, parfois, à revenir sur son point de vue. Et c’est précisément ce que nous voulons faire, en tant que gouvernement fédéral. Nous voulons montrer, par-delà les ministères, que chaque domaine politique, chaque acteur au sein de notre société, qu’il s’agisse d’une université, des services municipaux ou d’une initiative citoyenne, fait partie de notre sécurité et peut y contribuer, afin de rendre notre pays plus robuste, plus résilient et plus durable, grâce à une politique de sécurité intégrée qui comprend tous les domaines de la vie.

Depuis le 24 février, avec la guerre d’agression menée par la Russie, la sécurité signifie à nouveau, la sécurité signifie encore plus, hélas, le fait de se protéger contre la guerre et la violence. Le ministère fédéral de la Défense, mais notamment nous tous, membres du Bundestag, avons mis en place pour cela un fonds à affectation spéciale destiné à renforcer la Bundeswehr en tant qu’élément fort d’une union européenne de sécurité et de défense, en tant qu’élément fort d’une OTAN qui n’augmente pas seulement ses capacités militaires mais qui adopte enfin, et c’est là encore un reflet du tournant historique, une logique de coopération intégrée et d’interopérabilité. Ainsi, nous ne renforçons pas seulement l’OTAN et l’Union européenne, nous renforçons aussi notre assurance-liberté.

Or, et voilà un autre aspect inédit de cette Stratégie de sécurité, la sécurité intégrée est plus que la somme des efforts militaires et diplomatiques. La sécurité intégrée, cela signifie ne pas être espionnés lorsque nous chattons. Cela signifie aussi obtenir tous les médicaments dont nous avons besoin en pharmacie. La sécurité intégrée, c’est pouvoir continuer de prendre sa douche le matin avec de l’eau chaude et propre.

Là encore, on entend, et je suis sûre que nous allons l’entendre dans les discours qui suivront : mais enfin, tout cela va de soi. Mais n’est-ce pas aussi le reflet réaliste de ces dernières années ? Il n’allait pas de soi, justement, que les réservoirs à gaz et les gazoducs ne sont pas juste des projets économiques, mais qu’ils font partie de notre sécurité, et c’est pour cela que nous nous sommes mis en danger.

Il y a huit ans, nous discutions, ici même au Bundestag allemand, le pour et le contre de la vente d’un réservoir à gaz ; certains ont d’ailleurs mis en garde contre sa vente. Ce fut une tâche herculéenne pour le ministre de l’Économie, Robert Habeck, non seulement de récupérer ce réservoir mais aussi de le remplir à nouveau avec l’aide d’autres partenaires, et ce à très grande vitesse. C’est là aussi une partie essentielle de notre politique de sécurité intégrée.

Les questions de sécurité sont aussi des questions de matières premières ; les questions de sécurité concernent aussi, au xxie siècle, la sécurité des chaînes d’approvisionnement et celle des infrastructures critiques ; les questions de sécurité et notre Stratégie ne sont donc pas insignifiantes, comme certains ont commenté. Nos infrastructures critiques sont en danger si nous ne les protégeons pas, si nous ne protégeons pas, par exemple, nos chaînes d’approvisionnement en médicaments. Tout cela n’est donc pas insignifiant, au contraire, cela augmente notre sécurité car nous ne sommes plus dépendants d’autocrates et de dictatures.

Cette Stratégie de sécurité est le résultat d’un travail qui a évolué tout au long de son écriture. Nous n’avons pas attendu la conférence de presse ou le débat d’aujourd’hui, nous avons dû mettre en œuvre certaines choses alors même que nous discutions des formulations, voire disputions parfois, au sein du Bundestag notamment, parce que la sécurité est un sujet exigeant. Par exemple, le ministre de la Santé, Karl Lauterbach, a réalisé un effort formidable lors de la pénurie des sirops pour enfants contre la fièvre qui, vous le savez, était très criante avant Noël. Au lieu d’attendre la finalisation de la Stratégie, il en a d’ores et déjà réalisé l’un des objectifs, à savoir celui de considérer davantage, dans le cadre des marchés publics pour l’approvisionnement en médicaments importants, si le fournisseur produit en Europe ou dans d’autres régions du monde.

La durabilité, autre élément de cette Stratégie de sécurité, est elle aussi un aspect nouveau. Il y a encore quelques années, nous débattions, ici notamment, pour savoir si oui ou non, la crise climatique représentait un défi. Partout dans le monde, nous voyons aujourd’hui que la crise climatique est bel et bien le danger du siècle. C’est pourquoi nous l’avons incluse dans notre Stratégie de sécurité. Or la diplomatie climatique doit aussi considérer des questions de géopolitique. Celles et ceux d’entre vous qui ont participé à la Conférence mondiale sur le climat à Charm-el-Cheikh ont bien senti qu’il ne s’agit pas juste de négocier les émissions de CO2 mais qu’il est bien sûr question de pouvoir géopolitique, notamment en ce qui concerne la Chine.

«  Zeitenwende », le tournant historique, ce n’est pas simplement un joli mot nouveau, c’est un engagement à assumer plus de responsabilités dans ce monde, surtout envers les pays qui, par rapport à la crise climatique, par rapport aux défis régionaux, sont encore plus vulnérables que nous. Notre ligne directrice est claire, elle est ancrée dans notre Loi fondamentale. Notre politique étrangère et de sécurité est fondée sur l’ordre international, la Charte des Nations Unies, les droits humains et le droit international. Or là encore, il y a eu des controverses au cours de ces dernières années, et aujourd’hui encore. On demande : est-ce bien nécessaire de nous engager à ce point pour les droits humains dans le monde entier ? Est-ce qu’ils servent nos intérêts ? Dans cette Stratégie de sécurité, nous soulignons que les valeurs et les intérêts ne sont pas contradictoires. L’engagement pour la démocratie, les droits humains, l’état de droit et l’ordre international sert autant nos intérêts en matière de sécurité que nos intérêts économiques.

Nous venons de célébrer la mémoire du 17 juin et je pense qu’il est ressorti très clairement, à cette occasion, pourquoi il est si important de s’engager pour les droits humains, de ne pas détourner le regard, même si la situation semble désespérée, par exemple pour les personnes en prison, en Chine ou en Iran. Notre regard est essentiel pour ces personnes, de même qu’il fut essentiel, pour les prisonniers politiques incarcérés en 1953, que le monde, que les autres ne détournent pas leur regard. C’est pourquoi dans cette Stratégie de sécurité nationale, nous soutenons par exemple les efforts de l’Union africaine pour obtenir un siège au Conseil de sécurité. C’est pourquoi nous regardons de près ce qui se passe ailleurs dans le monde, notamment en ce qui concerne les femmes et les enfants. « Intégré », cela signifie coopérer avec tous les ministères, mais surtout coopérer au sein de l’Union européenne. Aussi, notre Stratégie de sécurité s’inscrit dans le concept stratégique de l’OTAN et dans la boussole stratégique de l’UE.

«  Zeitenwende », ce n’est pas juste un nouveau mot allemand dans le langage anglais. « Zeitenwende  », cela signifie aussi que nos partenaires en Europe et dans le monde entier sentent, qu’ils puissent compter sur le fait que nous sommes là pour eux, tout comme nombre de pays à travers le monde, et notamment nos partenaires européens, ont été là pour nous, pour notre sécurité, pendant des décennies.

Merci de votre attention.

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