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« Un nouveau pic de tensions »

Le directeur du PNUD, Achim Steiner

Le directeur du PNUD, Achim Steiner, © picture alliance / Pacific Press

18.09.2023 - Article

Achim Steiner, le directeur du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), s’exprime au sujet des crises mondiales et du rôle de l’Allemagne au sein des Nations unies.

Monsieur Steiner, nous assistons actuellement à un nombre de conflits sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Quel est le conflit qui vous inquiète le plus ?

En effet, il y a actuellement des foyers de crise en de nombreux endroits de la planète et nous observons un nouveau pic de tensions. Un quart de la population mondiale vit dans des pays ou des régions touchés par des conflits de diverse nature. Et chacun de ces conflits est synonyme d’épreuves, notamment pour les populations concernées. Il est donc difficile d’en choisir un seul qui serait particulièrement grave.

En Europe, nombreux sont ceux qui considèrent la guerre en Ukraine comme particulièrement lourde de conséquences. Cette opinion fait-elle l’unanimité ?

La guerre en Ukraine a bien sûr des conséquences géopolitiques et géoéconomiques qui amplifient encore ses effets négatifs. Cela va des questions de sécurité alimentaire et énergétique à un affrontement politique entre puissances qui rappelle la guerre froide. C’est ce qui donne à cette guerre un caractère particulièrement âpre. Mais tous les conflits ont ceci en commun qu’ils empêchent le développement, voire le font reculer. Citons l’exemple du Yémen : après huit ans de guerre civile, le bilan est désastreux. Selon nos estimations, la guerre a fait régresser le pays d’un quart de siècle.

En plus de la multiplication des crises, les démocraties à travers le monde subissent également des pressions. Quel impact cette situation a-t-elle sur votre travail ?

Personnellement, je le regrette beaucoup, car je préférerais, comme la plupart des gens, vivre dans une démocratie. Mais en ce qui concerne les progrès du développement, mettre d’un côté les démocraties qui réussissent et de l’autre les autocraties qui échouent est une approche trop réductrice. C’est justement dans certaines démocraties solidement établies que l’on a assisté, ces dernières années, à de grands échecs, à des polarisations ainsi qu’à une hausse des inégalités sociales. À l’inverse, en matière de développement, des progrès parfois impressionnants ont été réalisés dans des systèmes moins « libres ».

Signature de la Charte des Nations Unies en juin 1945
Signature de la Charte des Nations Unies en juin 1945© picture alliance / akg-images

Cette vision en noir et blanc n’aide pas forcément à avancer. En tant que Nations Unies, nous nous engageons toujours en faveur de la protection des droits de l’homme, mais devons souvent travailler là où la réalité ne correspond pas aux normes et aux conventions de l’ONU. Malgré ces paradoxes, les Nations Unies agissent depuis plus de 75 ans pour défendre les valeurs fondamentales de la Charte des Nations Unies ainsi que pour le respect du droit international relatif aux réfugiés, à l’environnement, aux enfants, à la jeunesse mais aussi au désarmement.

Venons-en aux Objectifs de développement durable. Le bilan de mi-parcours concernant l’agenda 2030 est décevant. Les objectifs ont-ils perdu leur importance face à la situation réelle du monde ?

Non. Et penser ainsi serait d’ailleurs, à mon sens, une grave erreur. Car les 17 objectifs que nous avons adoptés en 2015 à l’Assemblée générale reflètent les grands risques de notre époque. Et quand bien même nous renoncerions aux Objectifs de développement durable (ODD), ces risques resteraient inchangés. Les objectifs constituent un bon cadre pour tous les pays de la planète. Je suis convaincu que leur logique perdurera à l’avenir.

Comment expliquer que seuls 15 pour cent des objectifs et sous-objectifs soient à ce jour inscrits sur la feuille de route ?

Les différentes guerres et la pandémie de Covid nous ont fait prendre du retard.

Les ODD n’étaient pas au programme avant la crise sanitaire non plus.

C’est vrai. Parce que beaucoup de choses ont été repoussées et que l’on a attendu trop longtemps. Prenez le cas de la protection du climat. Depuis environ trois décennies, il est clair et publiquement reconnu que le changement climatique est une menace à prendre au sérieux. Malgré cela, les combustibles fossiles continuent d’être fortement subventionnés et ont battu un nouveau record en 2022 – en raison bien sûr de la guerre en Ukraine

Existe-t-il un domaine dans lequel vous notez actuellement des progrès ?

Oui, et même plusieurs. Permettez-moi de citer un exemple : En raison, là encore, de la pandémie et de la guerre en Ukraine, nous assistons à une croissance exponentielle des investissements dans les énergies renouvelables qui, autrement, ne se seraient probablement pas produits à une telle vitesse. Entre-temps, un certain nombre de pays de l’hémisphère sud affichent des performances impressionnantes : l’Uruguay couvre 95 pour cent de son électricité à partir de sources renouvelables, le Kenya 92 pour cent, le Brésil 70 pour cent. Cela signifie que les changements, les transitions sont en train de se produire. Mais qu’il y a eu trop d’hésitations au début.

L’Allemagne fête en 2023 le 50e anniversaire de son adhésion à l’ONU. Comment décririez-vous le rôle de la République fédérale au sein des Nations Unies ?

L’Allemagne est au sein des Nations Unies un partenaire reconnu et fiable, même en ces temps de crise. Au cours des dernières années, le gouvernement allemand a considérablement augmenté ses contributions à la coopération internationale au développement et figure à la deuxième place du PNUD. C’est tout cela qui est reconnu et mis à l’honneur.

Depuis quelques années, des voix s’élèvent régulièrement pour réclamer que l’Allemagne assume davantage de responsabilités dans le monde. Partagez-vous ce point de vue ?

Le secrétaire général de l’ONU Guterres en discussion avec le directeur du PNUD Steiner
Le secrétaire général de l’ONU Guterres en discussion avec le directeur du PNUD Steiner© picture alliance/KEYSTONE

Selon moi, de nombreux pays riches et industrialisés devraient élargir davantage leur horizon. Ils sous-estiment actuellement à quel point l’avenir, notamment celui de l’Europe, dépend de ce qui se passe dans le reste du monde. Ce qui signifie aussi qu’il faut investir encore plus dans l’international. Actuellement, les donateurs consacrent environ 0,36 pour cent de leur produit intérieur brut à la coopération internationale. Depuis plusieurs décennies, le taux préconisé est de 0,7 pour cent. L’Allemagne a, certes, respecté cette proportion récemment mais pendant des années, cela n’a pas été le cas. De nombreux autres pays ne l’atteignent toujours pas à ce jour. Il serait naïf de croire qu’avec l’engagement actuel et un financement atteignant un tel niveau, nous pourrions résoudre les problèmes du monde.

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