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Exposition : le destin hors du commun de la première Consitution allemande

Les combats de rue à Berlin durant la Révolution des 18 et 19 mars 1848, lithographie à la craie, colorisé, Berlin, Stadtgeschichtliche Dokumentation

Les combats de rue à Berlin durant la Révolution des 18 et 19 mars 1848, lithographie à la craie, colorisé, Berlin, Stadtgeschichtliche Dokumentation, © picture-alliance / akg-images | akg-images

28.03.2023 - Article

À l’occasion du 175e anniversaire de la révolution de 1848, le Bundestag raconte dans une exposition l’histoire de la première Constitution allemande. Un document clé de l’histoire constitutionnelle du pays d’hier à aujourd’hui.

C’est un volume en apparence insignifiant de 36 centimètres sur 25,5. La couverture est un peu abîmée, déchirée, tachée. Le parchemin ondule. Juridiquement, le contenu n’a jamais été appliqué. Il s’agit pourtant de l’un des documents les plus importants de l’histoire constitutionnelle allemande : la Constitution de l’Empire allemand adoptée le 27 mars 1849 en l’Église Saint-Paul de Francfort par la première assemblée issue d’élections libres en Allemagne. Du 27 mars au 8 septembre 2023, le Bundestag, à Berlin, consacre une exposition à ce document unique dont l’influence se mesure jusqu’à nos jours.

175e anniversaire de la Révolution de 1848/49

Un retour en arrière est nécessaire pour en comprendre la portée. En février 1848, la Révolution éclate à Paris et conduit à la proclamation de la Deuxième République. L’aspiration à la liberté, à la démocratie et à de meilleures conditions de vie sont contagieuses. Elles entraînent une grande partie de l’Europe dans un Printemps des peuples. Au sein de la Confédération germanique, l’étincelle embrase le mouvement libéral, qui voyait ses aspirations à la liberté et à l’unité nationale contrariées depuis le Congrès de Vienne. En mars 1848, des combats de rues sanglants éclatent à Vienne, puis à Berlin. Le 5 mars, des représentants libéraux des diètes du sud de l’Allemagne se réunissent à Heidelberg. Ils formulent le souhait d’organiser des élections pour convoquer une représentation nationale.

Un Parlement préalable (Vorparlament) siège du 31 mars au 4 avril en l’Église Saint-Paul de Francfort. Il décide l’élection d’une assemblée, le 1er mai 1848, au suffrage direct ou indirect selon les États. Ainsi voit le jour l’Assemblée nationale allemande (ou Parlement de Francfort), première assemblée issue d’élections libres représentant toute l’Allemagne. Ses députés siègent en l’Eglise Saint-Paul du 18 mai 1848 au 31 mai 1849. Ils se réunissent dans les cafés environnants par affinité, préfigurant la naissance des tendances politiques.

Ce Parlement laisse en héritage la Constitution de l’Église Saint-Paul. Il l’élabore en dix mois, émaillés de vifs débats. Les forces révolutionnaires sont, en effet, traversées de multiples divisions politiques, de naissance, de statut social, de confession. Mais leurs travaux aboutissent le 27 mars 1849 à l’adoption d’une Constitution. 405 députés y apposent leurs signatures.

Première Constitution pour toute l’Allemagne

Le texte consacre pour la première fois les droits fondamentaux, qu’il énumère sous la forme d’un catalogue : liberté d’expression, liberté de la presse, liberté de conscience, liberté de réunion, égalité devant la loi, libre circulation, libre exercice d’une profession, inviolabilité de la propriété privée, abolition de la peine de mort.

C’est un texte moderne, l’une des Constitutions les plus progressistes de son époque. Il prévoit la constitution d’un État allemand unitaire et fédéral intégrant tous les États de la Confédération germanique, à l’exception de l’Empire autrichien. À sa tête doit régner un empereur héréditaire, également habilité à mettre le gouvernement en place. Mais le roi de Prusse, Frédéric Guillaume IV, refuse la couronne impériale et les forces réactionnaires regagnent du terrain. Le Parlement perd le soutien de la population et finit par se saborder. Certains députés rejoignent à Stuttgart un « Parlement croupion » (Rumpfparlament). Sa dispersion par l’armée, le 18 juin 1849, et la prise de la forteresse de Rastatt le 23 juillet signent l’échec de la Révolution.

Dernière page de la Constitution du 28 mars 1849, sur laquelle figurent les premières signatures des membres de l’Assemblée constituante
Dernière page de la Constitution du 28 mars 1849, sur laquelle figurent les premières signatures des membres de l’Assemblée constituante. Cette pièce historique est au centre d’une exposition qui s’ouvre au Bundestag, à Berlin, à l’occasion du 175e anniversaire de la Révolution de mars 1848© picture alliance / akg-images

Une histoire dans l'Histoire

L’histoire de la Constitution de 1849 ne fait cependant que commencer. Jamais appliquée, elle reste un texte à l’influence majeure en dépit des changements de régimes et des vicissitudes de l’histoire. Les rédacteurs de la Constitution de la République de Weimar s’en sont fortement inspirés en 1919, et après eux ceux de la Loi fondamentale en 1948-1949, notamment en ce qui concerne les droits fondamentaux. « Notre démocratie est aujourd’hui fortement imprégnée par la pensée libérale de progrès et par les idées démocratiques de 1848 », souligne l’actuelle présidente du Bundestag, Bärbel Bas.

Le texte a également rayonné à l’étranger. Le président américain John F. Kennedy y voyait la volonté « de mettre en œuvre quelque chose de parfait ». Lors d’une visite en Allemagne dans les années 1960, il s’est rendu en l’Église Saint-Paul de Francfort et l’a qualifiée de « berceau de la démocratie allemande ».

Mais il existe encore une « histoire dans l’Histoire ». Cette dernière reste largement inconnue. C’est elle que l’exposition du Bundestag a choisie comme porte d’entrée dans l’histoire de la Constitution de 1849.

Il s’agit du destin du volume lui-même, dont il n’a existé que trois exemplaires. L’un est perdu. Un autre est à Kassel. Le troisième, l’original, a eu un destin mouvementé. Il est aujourd’hui au centre de l’exposition, intitulée « L’odyssée d’un document. La Constitution de l’Église Saint-Paul du 28 mars 1849 ». On y découvre l’incroyable aventure d’un ouvrage insubmersible qui a survécu à tous les régimes politiques, de la monarchie à la république en passant par la dictature, a été exilé un temps en Angleterre, volé dans la bibliothèque du Reichstag en 1930 et finalement retrouvé dans les ruines de Potsdam à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

A.L.

Odyssee einer Urkunde. Die Paulskirchenverfassung vom 28. März 1849

(L’odyssée d’un document. La Constitution de l’Église Saint-Paul du 28 mars 1849)

Exposition au Bundestag du 27 mars au 8 septembre 2023

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Télécharger la brochure complète et illustrée de l'exposition (en allemand)

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