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En allemand, la pratique de la langue est le plus souvent non sexiste

Où se situe l’Allemagne pour ce qui est du langage non sexiste ?

Où se situe l’Allemagne pour ce qui est du langage non sexiste ?, © Rawpixel.com/AdobeStock

19.05.2023 - Article

La notion de langage non sexiste polarise. La linguiste Carolin Müller-Spitzer explique pourquoi il n’y a pas lieu de se quereller à ce propos.

Madame Müller-Spitzer, vous êtes chercheuse en linguistique des genres. Où se situe l’Allemagne en matière langage non sexiste ?

Nous devons faire une différence entre l’état actuel de la pratique de la langue et l’état actuel des débats de société. Au niveau de la pratique de la langue, nous semblons avoir déjà trouvé un consensus dans de nombreux domaines du langage non sexiste. Tout ici tourne autour de ce que l’on appelle le masculin générique, à savoir le fait que des groupes de personnes mixtes soient uniquement désignés par la forme grammaticale du masculin pluriel. Il existe différentes stratégies pour contrebalancer cela : les doubles flexions, par exemple « die Schülerinnen und Schüler » (les écolières et les écoliers), sont bien ancrées et utilisées depuis très longtemps déjà, notamment dans les formules d’appel. Il y a aussi ce que l’on appelle la neutralisation, à savoir l’emploi de termes neutres comme « die Lehrkräfte » (le corps enseignant), qui passe souvent inaperçu pour beaucoup de personnes. Quand on évoque des notions comme l’«  écriture inclusive  », il est en fait toujours question d’une troisième forme, à savoir l’écriture inclusive avec des marqueurs typographiques comme l’astérisque ou les deux points (Schüler*innen, Schüler:innen) à l’écrit ou le fait de marquer une pause à l’oral. Ces formes sont en effet relativement nouvelles.

Nous utilisons déjà beaucoup le langage non sexiste. Souvent, cela passe inaperçu pour beaucoup de personnes.
Carolin Müller-Spitzer, linguiste

Et c’est cette troisième forme qui cristallise les débats...

Oui, et ces débats sont marqués par des arguments pour et contre. Pourtant, il n’y a pas lieu de se quereller de manière si polarisée. Nous utilisons de toute façon déjà beaucoup le langage non sexiste, tout simplement parce que, depuis le mouvement féministe des années 1970, nous observons de plus en plus une répartition différente des rôles dans la société. Les femmes ont plus de droits, elles exercent plus de fonctions et cela se répercute dans les discussions sur et les changements dans la langue. Nous nous inscrivons ainsi dans une tendance absolument internationale. Nous remarquons le même phénomène en anglais, mais aussi en suédois, norvégien ou encore en espagnol.

Quelles étapes peuvent changer quelque chose ?

Il n’est pas simple d’appréhender précisément le rapport entre la langue et le monde. Mais la langue peut être considérée comme un support de la pensée et aussi comme un moule de pensée. Quand je modifie la langue, je peux au final peut-être aussi marquer les stratégies de pensée. Nous savons par exemple que l’expression « quota de femmes » produit une image totalement erronée, suggérant que les femmes n’auraient pas mérité leur poste. Toutes les recherches empiriques montrent que le quota permet d’éliminer des hommes médiocres plutôt que de favoriser des femmes mal qualifiées. Nous savons aussi que les jeunes filles se sentent plus concernées quand on leur demande si elles souhaitent être chirurgiennes ou avocates que lorsque la question leur est posée uniquement avec la forme masculine. La forme linguistique construit pour elles un pont. Pourquoi ne devrions-nous pas leur donner cette possibilité ?

Pourquoi est-il important d’avoir un langage non sexiste à l’esprit ?

Il est important d’être toujours au clair avec l’objectif sociétal qui est poursuivi. Nous voulons une société la plus inclusive et libre possible ; l’enjeu est que nos enfants grandissent le moins possible avec des stéréotypes sexistes. La langue peut y contribuer. Cela peut paraître fastidieux dans un premier temps, mais cela ne coûte rien et il existe une variété de bonnes stratégies.

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