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Exposition : les années 1920 ou l’amorce trépidante de la modernité

[g.] Karl Hofer, Tiller-Girls, 1927, Huile sur toile, Kunsthalle Emden ; [dr.] Paul Colin, Le Tumulte Noir: Maurice Chevalier, 1929, Lithographie

[g.] Karl Hofer, Tiller-Girls, 1927, Huile sur toile, Kunsthalle Emden ; [dr.] Paul Colin, Le Tumulte Noir: Maurice Chevalier, 1929, Lithographie, © VG Bild-Kunst, Bonn 2023. Photo : bpk / Kunsthalle Emden / Martinus Ekkenga / Photo : Museum für Kunst und Gewerbe, Hamburg

04.04.2023 - Article

On les appelle « les Années folles », la décennie « dorée » (die Goldenen Zwanziger) ou « vrombissante » (the Roaring Twenties). Les années 1920 ont laissé une trace indélébile dans l’histoire de la modernité. Une exposition à Bonn propose de les ré-explorer.

Le jazz, la radio, le cinéma, la coupe à la Garçonne, l’automobile, le téléphone, le sport, l’effervescence des métropoles, les progrès de l’industrialisation : peu d’époques ont connu un tel tourbillon de nouveautés. Au sortir de la Première Guerre mondiale, les années 1920 ont marqué une rupture et ouvert un laboratoire de la modernité. Non sans paradoxes. Mais avec un appétit de vivre prêt à dévorer le monde. Selon les langues, on les appelle « Années folles », décennie « dorée » (die Goldenen Zwanziger) ou décade « vrombissante » (Roaring Twenties). Fascinantes ou inquiétantes, elles conservent une place à part dans nos mémoires. La Bundeskunsthalle, à Bonn, propose de les réexplorer.

L’exposition s’intitule « Les années 1920. Dans le kaléidoscope de la modernité ». Elle se visite du 1er avril au 30 juillet. Elle débute sur une « grand place » innervée de larges « avenues ». Le visiteur est invité à se perdre, à s’attarder à flâner. Au centre de la place trône une Bugatti de collection. Le ton est donné. D’une part, la grande ville, son gigantisme, ses nouveaux modes de vie. De l’autre, l’ivresse de la vitesse.

Les multiples facettes de la modernité

L’exposition invite à plonger un siècle en arrière et à se laisser imprégner par l’air du temps. Trois grands champs sont explorés : le phénomène de la grande ville, à la fois laboratoire et caricature de la modernité, l’assouplissement des rôles traditionnels femmes-hommes et, pour finir, la construction de nouveaux univers de vie et la façon dont ils sont perçus.

Le parcours passe par les lieux communs de ces années « folles » et de cette modernité sauvage. Il embrasse toutes ses grandes dimensions : mondialisation, vitesse, appétit d’expérimentation, remise en question des rôles sexués, univers urbains, variété des courants artistiques, évolution du regard posé sur le réel, foi dans la technique, communication de masse.

L’art à l’avant-garde

Fernand Léger, femme et nature mort, 1921
Fernand Léger, femme et nature mort, 1921© VG Bild-Kunst, Bonn 2023, Photo : Collection Baumeister

Mais il se veut aussi dynamique, en montrant comment les idées et les concepts circulent. Le monde de l’art en offre un parfait exemple. Il s’internationalise à grande vitesse. Les capitales de la modernité artistiques des années 1900 que sont Paris, Vienne, Munich ou Londres, se voient concurrencées par de nouveaux pôles à Moscou, Prague, New York, Mexico et jusqu’en Asie. Les bouleversements sociaux, les différends politiques, la communication de masse et le triomphe de la mobilité favorisent l’émergence d’avant-gardes urbaines multiples, contrastées et multiculturelles, qui s’affirment les unes à côté des autres. Beaucoup d’artistes se donnent pour mission de faire advenir une Nouvelle objectivité.

Le culte de la « nouveauté »

« Nouveauté » est d’ailleurs le mot d’ordre à la mode. Il se décline partout : dans l’architecture, les utopies urbaines, la représentation de la femme, la coupe à la garçonne, le développement de la mode, le jazz qui déferle d’Amérique, la représentation du corps, la démocratisation du sport, l’obsession des records, l’industrialisation, la foi dans le progrès technique et le rêve d’une fusion homme-machine illustré par Fritz Lang dans le film Metropolis.

Un monde de contrastes et de paradoxes

L’ordre ancien s’efface avec ses certitudes. Au sortir de la Première Guerre mondiale, au lendemain de la pandémie de grippe espagnole et dans l’effervescence du progrès technique, jamais on n’avait eu à ce point la sensation de voir le monde rétrécir, ni l’impression de pouvoir l’embrasser du regard.

Mais c’est un monde de contrastes et de paradoxes. Le pouls de l’époque bat dans les métropoles, mais la majorité de la population demeure dans l’âpreté de la vie rurale.

La fin des grands empires a signé un réveil des identités nationales et transformé l’Europe en un patchwork de nouveaux États nationaux alors que l’internationalisation s’accélère dans tous les domaines.

Le culte de la technique révèle son ambivalence : mortel quand il conduit aux tranchées de 1914-1918, il se révèle salvateur quand les progrès de la chirurgie permettent de réparer les « gueules cassées » et ouvrent la voie à la chirurgie esthétique.

Le développement du photojournalisme, de la presse, de la radio et du cinéma inondent ce monde d’images. La radio et les médias de masse sont utilisés dans l’espoir de façonner une nouvelle entité : l’opinion publique.

Finalement, ces années nous paraissent familières à un siècle de distance. C’est d’ailleurs la conclusion de l’exposition. « Les nouvelles techniques ont rendu la vie plus facile, mais le monde plus complexe », lit-on. « Et beaucoup de gens, ébranlés dans leurs repères, ont aspiré à trouver des réponses simples et favorisé les extrêmes politiques. » Gageons que les Européens du 21e siècle entendront l’avertissement.
A.L.

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