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Discours du chancelier à l’occasion de la 61e Conférence de Munich sur la sécurité :

Le soutien à l’Ukraine reste une mission centrale de l’Europe, a souligné le chancelier fédéral Olaf Scholz dans son discours à l’occasion de la Conférence de Munich sur la sécurité, © Gouvernement fédéral / Guido Bergmann
La fin de la guerre en Ukraine, la consolidation de la défense européenne et le financement futur des dépenses en matière de défense figuraient parmi les sujets abordés par le chancelier fédéral Olaf Scholz dans son discours lors de la Conférence de Munich sur la sécurité.
Une fin de la guerre en Ukraine associée à une paix juste et durable était au cœur du discours du chancelier. « La défense de la liberté et de la démocratie face à leurs ennemis est ce qui nous unit depuis toujours en tant que communauté transatlantique et ce qui nous réunit aujourd’hui également ici à Munich », a souligné M. Scholz. La consolidation de la paix et de la liberté en Europe nécessite en outre une nouvelle augmentation significative des dépenses communes en matière de défense, a-t-il ajouté. Par ailleurs, un nouveau renforcement des capacités européennes soulagerait les États-Unis et permettrait de consolider l’OTAN dans son ensemble.
Le chancelier fédéral a notamment abordé les sujets suivants :
- La guerre en Ukraine : l’objectif commun doit être de préserver l’indépendance souveraine de l’Ukraine. Il faut mettre un terme le plus rapidement possible à la guerre en Ukraine et cette dernière doit participer aux négociations : « rien sur l’Ukraine sans l’Ukraine », a insisté M. Scholz. De plus, une paix juste et durable ne peut pas être une paix imposée, car seule la Russie serait gagnante. Le règlement de la guerre en Ukraine ne doit pas mener à un découplage de la sécurité européenne et américaine. L’Europe soutiendra l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra.
- La sécurité et la défense en Europe : il est également important que les technologies clés relatives à la sécurité restent en Europe et y soient implantées. « Nous avons également besoin d’une industrie de l’armement européenne forte, dotée d’une production permanente des principaux types d’armes et de munitions en Europe », a affirmé le chancelier. Pour cela, il faut continuer de développer et d’imbriquer l’industrie de l’armement européenne au niveau transatlantique. Une Europe nettement plus forte renforcerait également l’OTAN dans son ensemble.
- Le financement européen des dépenses en matière de défense : les dépenses en matière de défense européennes devront être encore nettement augmentées à l’avenir, « et ce pas uniquement pour que l’Europe devienne et reste un allié égal des États‑Unis, mais aussi pour que nous, les Européens, puissions continuer de vivre en paix ». À l’échelon européen, le Pacte de stabilité devra être adapté de sorte que les dépenses en matière de défense supérieures aux deux pour cent correspondant à l’objectif actuel de l’OTAN en soient exclues.
Vidéo du discours du chancelier (extrait)
Discours du chancelier à l’occasion de la 61e Conférence de Munich sur la sécurité :
Monsieur Heusgen,
Madame Beddoes,
Mesdames et Messieurs,
Vingt kilomètres nous séparent ici du camp de concentration nazi de Dachau. Dachau, c’est l’un des endroits où d’incommensurables crimes contre l’humanité furent commis, par des Allemands et au nom de l’Allemagne. Le vice-président américain s’est rendu avant-hier à Dachau et a ensuite prononcé une phrase d’une grande importance : le mémorial permet selon lui, je cite, de « cerner pourquoi nous devons nous efforcer à ce que cela ne se reproduise plus ». J’éprouve une grande gratitude à l’égard du vice-président Vance pour cette phrase si importante.
Car ce « plus jamais » est la principale leçon que nous, les Allemands, avons tirée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale de l’effroyable expérience de la tyrannie nazie, et ce notamment aussi grâce au large soutien des États-Unis. Le « plus jamais » constitue également le devoir historique auquel l’Allemagne, en tant que démocratie libérale, doit et souhaite encore satisfaire jour après jour. Plus jamais de fascisme, plus jamais de racisme, plus jamais de guerre d’agression.
C’est la raison pour laquelle, dans notre pays, une majorité écrasante s’oppose farouchement à l’apologie ou la légitimation des crimes nazis. L’AfD est un parti au sein duquel le nazisme et ses crimes monstrueux, des crimes contre l’humanité tels qu’ils furent perpétrés à Dachau, sont relativisés et qualifiés de « chiure d’oiseau » de l’histoire allemande. L’adhésion à la doctrine du « plus jamais » rend donc impossible tout soutien à l’AfD.
Ainsi, nous ne tolérerons pas que des tiers s’immiscent dans notre démocratie, dans nos élections et dans la formation démocratique de l’opinion publique en faveur de ce parti. Cela ne se fait pas, encore moins entre amis et alliés. C’est avec détermination que nous refusons de tels agissements. C’est à nous de décider quel cap suivra notre démocratie.
Notre démocratie actuelle en Allemagne et en Europe repose sur la certitude éprouvée par l’histoire que les démocraties peuvent être annihilées par des forces antidémocratiques radicales. C’est la raison pour laquelle nous avons créé des institutions qui garantissent la robustesse de nos démocraties face à leurs ennemis et des règles qui n’étouffent pas notre liberté, mais qui la protègent.
La défense de la liberté et de la démocratie face à leurs ennemis est ce qui nous unit depuis toujours en tant que communauté transatlantique et ce qui nous réunit aujourd’hui également ici à Munich. En tant que partisans de la liberté et de la démocratie, nous nous tenons aux côtés de l’Ukraine agressée. Je suis donc très heureux que le gouvernement américain vienne de corroborer notre objectif commun de maintenir l’indépendance souveraine de l’Ukraine. Cette indépendance souveraine doit aussi se retrouver dans les négociations. C’est ce que cela signifie lorsque nous affirmons : rien sur l’Ukraine sans l’Ukraine.
Il est légitime que des discussions directes avec la Russie se déroulent à présent en impliquant l’Ukraine. J’ai moi-même régulièrement mené des entretiens avec le président russe afin de lui indiquer que nous réclamons une paix juste en Ukraine et ce que cela signifie pour nous. Je pense que nous sommes tous d’accord sur le fait que la guerre de la Russie contre l’Ukraine doit cesser aussi vite que possible. Des centaines de milliers de personnes sont mortes ou ont été blessées et des millions d’autres ont été déplacées. Quelles souffrances incommensurables !
S’y ajoutent l’escalade croissante et la mondialisation du conflit par Poutine : des drones iraniens, des canons et des soldats de Corée du Nord, des mercenaires yéménites. Cette escalade passe aussi par les actes dangereux de la Russie contre des États membres de l’alliance transatlantique, des mesures actives telles que le sabotage de câbles sous-marins ou d’autres infrastructures, des incendies d’origine criminelle, de la désinformation, des tentatives de manipulation d’élections démocratiques.
Après trois ans de guerre, un point demeure inchangé : quiconque veut déplacer les frontières par la force met en péril notre ordre de paix. Les frontières ne doivent pas être déplacées par la force. Ce principe doit s’appliquer à tout moment et partout, pour tout le monde. Une victoire de la Russie ou un effondrement de l’Ukraine n’apporteraient ainsi non pas la paix, mais compromettraient davantage la paix et la stabilité, en Europe comme au‑delà. La paix ne pourra être acquise que si la souveraineté de l’Ukraine est garantie. Aussi, une paix dictée ne recevra‑t‑elle jamais notre soutien. Nous n’accepterons par ailleurs aucune solution qui aurait pour résultat le découplage de la sécurité européenne et de la sécurité américaine, car cela ne profiterait qu’à une personne : le Président Poutine.
Nous, les Européens, défendrons ces intérêts avec assurance et détermination lors des prochaines négociations. Ce sont nous, les Européens, qui soutenons le plus l’Ukraine, et nous le ferons aussi longtemps que cela sera nécessaire.
Ce « aussi longtemps que cela sera nécessaire » ne deviendra d’ailleurs pas caduc une fois que les armes se seront tues. L’Ukraine devra disposer à l’issue de chaque solution négociée de forces armées lui permettant de se défendre face à toute nouvelle agression russe. Cela représentera un énorme défi sur les plans financier, matériel et logistique. À elle seule, l’Ukraine ne sera pas en mesure d’assumer cette tâche à court terme. À cet égard, on a encore besoin de nous, les Européens, mais aussi des partenaires transatlantiques et internationaux de l’Ukraine, à l’image de ce que nous avons fait jusqu’à présent en assumant de lourdes charges ensemble.
Selon l’Institut d’économie mondiale, les États‑Unis et l’Allemagne sont de loin les principaux soutiens de l’Ukraine. En chiffres absolus, les États‑Unis occupent la première place. Mais par rapport à leur puissance économique, le soutien allemand est quatre fois plus élevé que le soutien américain. Il s’agit là d’une répartition des charges effective entre partenaires au sein de l’Alliance ainsi qu’amis. Cette répartition, nous voulons la maintenir. C’est le but, par exemple, du crédit du G7 à hauteur de 50 milliards de dollars.
En Allemagne aussi, nous sommes en mesure de maintenir notre soutien à l’Ukraine au niveau actuel élevé. Le frein à l’endettement ancré dans la constitution allemande prévoit des dérogations en cas de situation d’urgence. Une guerre au cœur de l’Europe constitue une telle situation. Quelle autre situation pourrait être plus appropriée ? J’en suis certain : après les prochaines élections législatives, il y aura au Bundestag allemand justement une majorité pour cela, même si d’aucuns préféreraient éluder la question avant le scrutin.
En outre, il ne fait aucun doute que nos dépenses en matière de défense doivent continuer d’augmenter considérablement, et ce pas uniquement pour que l’Europe devienne et reste un allié égal des États‑Unis, mais aussi pour que nous, les Européens, puissions continuer de vivre en paix. La menace posée par la Russie et la réalisation de tous les objectifs capacitaires OTAN qui en découlent doivent être notre boussole. Il a toujours été clair à mes yeux que le fonds spécial de 100 milliards d’euros que nous avons mis en place pour la Bundeswehr après le changement d’époque induit par la guerre en Ukraine ne constituait qu’une première étape. Rien que pour tenir l’objectif des 2 % de l’OTAN, nous aurons besoin de 30 milliards d’euros supplémentaires à partir de 2028. Chaque pourcentage additionnel investi en plus de cela dans notre défense correspondrait encore, en l’état actuel des choses, à 43 milliards d’euros par an.
Ce sont là les montants colossaux. Nous parlons ainsi de centaines de milliards d’euros d’ici à la fin de cette décennie. Quiconque affirme pouvoir rogner par‑ci par‑là sur le budget courant pour parvenir à cette somme ne dit pas la vérité aux citoyennes et aux citoyens. C’est pourquoi, dès les prochaines élections, nous devrons réformer, dans notre Loi fondamentale, le frein à l’endettement afin qu’il ne s’applique plus aux investissements dans notre sécurité et notre défense. Je peux d’ores et déjà vous le prédire : la majorité des parlementaires s’y déclareront favorables aussi après les élections.
Ces efforts nationaux doivent s’inscrire dans un renforcement des capacités européennes. Cela implique explicitement que nous maintenions et implantions les technologies clés relatives à la sécurité en Europe. Nous avons également besoin d’une industrie de l’armement européenne forte, dotée d’une production permanente des principaux types d’armes et de munitions en Europe. Cela n’est possible que si nous regroupons les commandes au niveau européen et que nous ne restreignons pas inutilement la coopération de nos entreprises d’armement. Dans le même temps, je souligne que nous ne renonçons pas à l’imbrication transatlantique de nos industries de la défense. Nous continuerons d’acheter de nouveaux équipements militaires américains.
Ici aussi, nous devons dès à présent expliquer comment cela sera financé en Europe. Je propose donc que nous introduisions dans le Pacte de stabilité de l’Union européenne une dérogation pour tous les investissements dans les équipements de défense qui vont au‑delà de notre objectif actuel de 2 % de l’OTAN, ce à titre temporaire et tout en préservant la solidité budgétaire de tous les États membres. L’Allemagne y est favorable. Il en va de la paix et de la sécurité en Europe. C’est la raison pour laquelle ce doit être l’heure de l’Europe. Le renforcement des capacités européennes doit s’effectuer dans le cadre d’un échéancier clairement défini. C’est véritablement en cela que consisterait une stratégie gagnant‑gagnant. Cela permettrait d’une part de soulager les États‑Unis en Europe. D’autre part, cela aurait pour conséquence de renforcer nettement l’Europe au sein de l’OTAN. Et cela permettrait aussi de consolider l’OTAN dans son ensemble, c’est‑à‑dire dans sa dimension transatlantique globale.
Mesdames et Messieurs, la Conférence de Munich sur la sécurité est selon moi l’endroit idéal pour discuter de telles idées. Si l’on porte un regard réaliste sur le monde, l’on se rend compte qu’il en est grand temps.
Je vous remercie.
© Gouvernement fédéral