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La liberté d’expression, un droit fondamental, mais encadré

La liberté d’expression est un bien précieux en Allemagne

La liberté d’expression est un bien précieux en Allemagne, © sibway/iStock

24.02.2025 - Article

En Allemagne, la liberté d’expression est un droit fondamental, mais encadré. Une mise en perspective juridique de ce sujet largement débattu ces derniers jours.

La liberté d’expression peut diviser. Avec son discours lors de la Conférence sur la sécurité de Munich mi-février 2025, le vice-président des États-Unis a provoqué des remous en remettant en question les valeurs communes de l’Europe et des États-Unis. J. D. Vance considère apparemment que la liberté d’expression est menacée en Allemagne et dans d’autres États européens. Peu après, il a renchéri sur la plateforme X : il a reproché à la justice allemande de criminaliser l’expression d’opinions. « Insulter quelqu’un n’est pas un crime et criminaliser les opinions exprimées sera un véritable obstacle pour les relations américano-européennes », a-t-il ainsi écrit.

Le vice-président américain faisait référence à un reportage de la chaîne américaine CBS diffusé dans l’émission « 60 Minutes » et montrant comment l’Allemagne lutte contre les discours haineux et les injures sur Internet. Depuis, sur les réseaux sociaux, on débat plus que jamais de la liberté d’expression et de ses limites. C’est pour nous l’occasion de présenter le cadre légal en Allemagne et dans l’UE dans ce domaine.

La liberté d’expression dans le droit allemand

Ancrée dans l’article 5 de la Loi fondamentale, autrement dit dans la constitution allemande, la liberté d’expression est un droit fondamental central en Allemagne. Elle garantit que chaque personne a le droit d’exprimer librement son opinion et de la diffuser par la parole, l’écrit et l’image. La liberté de la presse est également garantie et il n’y a pas de censure. Chaque jour, des millions de personnes en Allemagne font usage de ce droit – que ce soit dans des conversations privées ou des débats politiques, au cours de manifestations ou dans des discussions sur les réseaux sociaux.

Une grande marge de manœuvre

La marge de manœuvre est grande : l’expression d’opinions, qu’elles soient politiques ou d’une autre nature, est en principe protégée, même lorsque ces opinions sont polémiques ou formulées de manière outrancière. Ainsi, la Cour constitutionnelle fédérale a par exemple jugé que l’affirmation « Les soldats sont des meurtriers » relève de la liberté d’expression. De plus, la satire – maniée notamment par les humoristes ou caricaturistes – n’est pas seulement une manifestation de la liberté d’expression, mais est également protégée par la liberté artistique (article 5 paragraphe 3 de la Loi fondamentale). La jurisprudence souligne que la satire a le droit de provoquer des débats au sein de la société en recourant à l’exagération, à l’ironie et à la provocation. Ainsi, beaucoup d’humoristes allemands raillent les responsables politiques au moyen de blagues parfois crues, sans avoir à craindre de sanctions.

Les limites de la liberté d’expression

La liberté d’expression trouve ses limites dans d’autres droits et lois. Elle ne doit en effet pas porter atteinte aux droits de la personnalité, de la protection de la jeunesse et au droit à la dignité personnelle. Ainsi, les insultes, les commentaires haineux, les diffamations ainsi que les déclarations racistes, antisémites et anticonstitutionnelles sont autant d’exemples d’agissements répréhensibles qui ne sont pas protégés par la liberté d’expression. Cela concerne aussi la publication de symboles et de propos de groupes extrémistes. La sensibilité particulière vis-à-vis des déclarations de l’extrême droite en Allemagne s’explique par la responsabilité historique du pays. Le négationnisme en particulier est considéré comme une atteinte aux valeurs fondamentales de la République fédérale, ce qui le rend passible de sanctions pénales. Cela peut également être le cas de la diffusion de mensonges ou de fausses informations, par exemple si elle contribue à calomnier ou à inciter à la haine. Une vérification précise est toujours de mise pour savoir ce qui relève de la liberté d’expression et ce qui est punissable au regard de la loi. Les parquets et tribunaux doivent donc, au cas par cas, consciencieusement pondérer les normes protégeant les différents droits.

Des cas de figure et des décisions qui peuvent varier

Les décisions de justice et les mesures prises par les autorités chargées des enquêtes peuvent considérablement varier et sont largement débattues par l’opinion publique, ce qui est aussi une forme de liberté d’expression. Ainsi, la police a récemment effectué des descentes chez une cinquantaine de personnes soupçonnées d’avoir diffusé des discours de haine en ligne, principalement à caractère politique et parfois antisémite. Autre exemple récent : l’utilisation du slogan « From the river to the sea, Palestine will be free  » lors d’un événement de la Berlinale. Considéré comme antisémite, ce slogan a fait l’objet de critiques et entraîné une enquête de la Sûreté de l’État.

L’affaire Renate Künast

Une plainte de la députée écologiste Renate Künast est devenue un cas d’école juridique. Cette affaire concerne un mème composé d’une photo de cette femme politique à laquelle a été accolée la fausse citation « L’intégration commence quand les Allemands apprennent le turc. » Ce mème a été publié sur Facebook sous différentes formes et partagé de nombreuses fois. Renate Künast n’a cependant jamais prononcé cette phrase et l’a prouvé. La députée a donc demandé une injonction visant à interdire ce mème et un dédommagement. La question juridique désormais examinée par la Cour fédérale de justice allemande est la suivante : De quels droits les personnes concernées disposent-elles à l’encontre des plateformes en ligne lorsque de fausses allégations y sont diffusées à leur propos ? En l’occurrence, la Cour fédérale de justice souhaite dans un premier temps attendre une décision imminente de la Cour de justice européenne dans un cas similaire.

Quelle législation s’applique en Allemagne et dans l’UE ?

Depuis février 2022, les réseaux sociaux en Allemagne doivent non seulement supprimer les contenus répréhensibles, mais aussi les signaler à l’Office fédéral de la police. L’unité centrale de signalement des contenus sur Internet (ZMI) a été créée à cet effet. En février 2024, le règlement européen sur les services numériques (Digital Services Act) est entré en vigueur dans toute l’UE. Il s’applique à tous les fournisseurs de services numériques et crée un cadre légal harmonisé dans toute l’Europe. Il contraint notamment les fournisseurs de plateformes en ligne à permettre à leurs utilisatrices et utilisateurs de signaler des contenus illicites. Depuis mi-mai 2024, l’Allemagne a adapté ses anciennes réglementations nationales aux dispositions de ce règlement européen en adoptant une loi sur les services numériques.

La liberté d’expression en Allemagne en comparaison internationale

En comparaison avec le reste du monde, l’Allemagne est sans aucun doute considérée comme un État de droit démocratique jouissant d’une grande liberté d’expression. Dans le classement international sur la liberté de la presse et la liberté d’expression, la République fédérale occupe régulièrement l’une des premières places – par exemple la 10e place du classement mondial de la liberté de la presse 2024 de « Reporters sans frontières ». Tout autour du globe, des États ont trouvé différentes façons d’appliquer à Internet le même droit que celui qui s’applique hors ligne. En Allemagne, contrairement à ce qui se passe dans de nombreux autres pays, les éventuelles restrictions à la liberté d’expression sont soigneusement examinées par les tribunaux et doivent être compatibles avec la Loi fondamentale.

Rédaction & traduction : Deutschland.de / Révision : Ambassade d’Allemagne

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