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L’Allemagne se lève contre l’extrême droite
« La haine n’est pas une opinion » : pancarte lors d’une manifestation contre l’extrême droite, dimanche 14 janvier, à Berlin, © picture alliance / Geisler-Fotopress | Bernd Elmenthaler
La révélation d’un projet d’expulsion massive de personnes d’origine étrangère a provoqué une mobilisation de la société allemande contre l’extrême droite. Les manifestations se multiplient dans tout le pays depuis plusieurs jours. Le sujet a été abordé hier au Bundestag.
« La haine n’est pas une opinion », « Plus jamais ça, c’est maintenant ! », « Ensemble contre l’extrême droite et les réseaux néonazis » : depuis plusieurs jours, les Allemands descendent massivement dans la rue pour défendre la démocratie contre l’extrême droite.
Cette mobilisation a été déclenchée par une enquête du média Correctiv. L’investigation a révélé l’existence d’une rencontre secrète d’extrémistes de droite à Potsdam en novembre dernier, en présence notamment de politiciens du parti AfD, placé sous la surveillance des services de protection de la Constitution, car il est suspecté de véhiculer une idéologie d’extrême droite. Lors de cette réunion, le cofondateur du mouvement identitaire autrichien Martin Sellner a évoqué un projet de « remigration ». Ce terme utilisé pour désigner le départ massif de personnes d’origine étrangère, y compris sous la contrainte.
De Cologne à Berlin et Munich
Depuis, les manifestations se succèdent dans les rues de toutes les grandes villes d’Allemagne. Berlin, Cologne, Leipzig, Fribourg-en-Brisgau : du nord au sud et d’est en ouest, des milliers de citoyens clament leur refus d’un société raciste et xénophobe, basée sur la discrimination et d’exclusion. Ils entendent défendre la démocratie contre l’extrême droite.
Le chancelier Olaf Scholz a remercié les manifestants. « J’ai de la reconnaissance envers les dizaines de milliers de personnes qui se mobilisent dans la rue partout en Allemagne contre le racisme, les campagnes de dénigrement et pour notre démocratie libérale », a-t-il écrit sur X. C’est, à ses yeux, un signal « encourageant ». « En tant que démocrates, nous sommes nombreux, bien plus nombreux que ceux qui veulent nous diviser », a-t-il souligné.
Le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, a exhorté la société à s’opposer aux ennemis de la Constitution. « Notre Loi fondamentale garantit les mêmes droits à tous les citoyens », a-t-il rappelé sur X. « Être allemand ou allemande ne dépend ni de la couleur de la peau, ni de l’origine. Il n’y a pas de citoyens de première ou de deuxième classe. Celui qui affirme le contraire révèle son hostilité à la Constitution. »
Soutien de larges pans de la société
La mobilisation reçoit un très large soutien venant de toute la société : du milieu politique, mais aussi des syndicats, des églises, de nombreux clubs sportifs, de dirigeants d’entreprises et des communes.
Selon les médias, elle devrait encore s’intensifier au cours du week-end. De grandes manifestations sont annoncées à Francfort-sur-le-Main, Hambourg, Berlin, Dresde, Dortmund, Heidelberg, Munich, Kiel, Bielefeld, Erfurt, Braunschweig, Cologne et même sur l’île frisonne de Sylt, en mer du Nord.
Le 3 février, une chaîne humaine doit se former devant le bâtiment du Reichstag, à Berlin. Elle symbolisera un pare-feu contre l’extrême droite.
Débat au Bundestag
Le sujet était d’ailleurs hier à l’ordre du jour du Bundestag. Une séance d’actualité s’est tenue à la demande des partis de la coalition. L’extrême droite veut « que la filiation et l’origine décident de l’appartenance à l’Allemagne. Nous ne le permettrons pas », a affirmé la ministre fédérale de l’Intérieur, Nancy Faeser. La démocratie allemande « sait se défendre », a-t-elle ajouté. Le gouvernement utilisera tous les instruments à sa disposition, du droit pénal à l’assèchement des ressources financières du milieu radical en passant par l’interdiction d’associations.
Interdire le parti AfD ?
Faut-il aller jusqu’à lancer une procédure d’interdiction contre le parti AfD, qui siège au Bundestag ? Le débat a circulé ces derniers jours. L’ensemble de la classe politique ou presque a donné son avis sur le sujet. Beaucoup de responsables s’y sont déclarés ouverts au sein de la majorité et de l’opposition chrétienne-démocrate.
Ils craignent néanmoins qu’il ne s’agisse d’une mesure à double tranchant, susceptible d’offrir de la publicité gratuite à l’AfD voire, en cas d’échec, de lui permettre de se poser en martyr.
Une chose est sûre, du Parti social-démocrate (SPD) à l’Union chrétienne-démocrate (CDU), les responsables des grands partis politiques ont promis à l’AfD une confrontation ferme au cours des prochains mois.
A.L.