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Leo Köpp : « Pour moi, l'excellence passe par le travail d'équipe »

L’athlète allemand Leo Köpp

L’athlète allemand Leo Köpp, © picture alliance / Team Deutschland |

09.08.2024 - Article

Que ressent-on dans la peau d’un athlète aux Jeux olympiques de Paris 2024 ? Quelle ambiance au village olympique ? Quelles valeurs le sport incarne-t-il aujourd’hui ? Que nous enseigne le sport de haut niveau ? Entretien avec Leo Köpp, 26 ans, spécialiste de la marche athlétique.

Leo Köpp (à dr.), le 1er dernier, lors de la course olympique des 20 km dans le centre de Paris
Leo Köpp (à dr.), le 1er dernier, lors de la course olympique des 20 km dans le centre de Paris© picture alliance/dpa/Lehtikuva | Heikki Saukkomaa
Ambassade d’Allemagne (AA) : Ta discipline, la marche, associe l’endurance et la précision sur le plan technique. Que signifie marcher pour toi ?

Leo Köpp (LK) : C’est assez bien résumé. La marche est un sport d’endurance technique, elle fait partie de l'athlétisme. Ce qui compte c’est donc à la fois la maîtrise du corps, l'endurance, la force, et aussi, même au bord de l’épuisement, […] de rester extrêmement concentré.

AA : Quelle est ton impression au sujet des Jeux Olympiques de Paris, notamment par rapport à ceux de Tokyo ?

LK : L'atmosphère est énorme. […] Le parcours est bondé de gens surexcités. C’est exactement le contraire des Jeux de Tokyo. Et ce que j’ai vécu tout le long du parcours, quand j’avais peur d’avoir des acouphènes tellement les gens criaient et se passionnaient, je l’ai aussi ressenti en ville. Les gens sont de bonne humeur, partout. Partout l’air vibre littéralement d’un enthousiasme contagieux pour le sport.

AA : Oui, je partage cette impression. Pendant et après la course, tu as eu un aperçu de la ville. Le parcours passait devant le Palais du Trocadéro, le long de la Seine, puis il traversait le pont d’Iéna vers la Tour Eiffel. As-tu déjà un endroit préféré à Paris ?

LK : Le village olympique ! Ce n'est pas une attraction touristique permanente, mais je trouve cool qu’il reste là comme souvenir. Ce qui me rend particulièrement fier c’est qu’il hébergera beaucoup de gens qui n'ont peut-être pas encore eu accès aux Jeux Olympiques, parce que l'intérêt n'est pas encore là, parce que cela n’a pas atteint leur environnement social. Le fait de vivre dans des villes comme celle-ci, qui font partie de l'histoire, peut-être que des enfants se diront « le champion du monde de natation a dormi ici. C’est cool que ce soit ma chambre ! » On aura fait beaucoup si cela motive les gens participer, à prendre du plaisir, à faire du sport ou à participer à des échanges culturels ou autre.

Avoir l’esprit sportif ne se résume pas à la performance. C'est veiller tout au long de ma vie à prendre plaisir à faire du sport, et souhaiter en même temps que tout le monde y prenne plaisir. C'est la raison pour laquelle nous luttons contre le dopage, nous interdisons la manipulation des compétitions, nous nous engageons à protéger le sport des agressions, de la violence à caractère sexuel.

AA : Tu vis au village olympique avec l’équipe d’Allemagne. Comment perçois-tu l’ambiance qui y règne ?

LK : [Il réfléchit] Tendue. Pas au sens de nervosité, au contraire au sens d’une joyeuse excitation. Tout le monde est de très bonne humeur et veut que toute l’équipe réussisse. On se soutient mutuellement. On échange. Comment est-ce que cela s’est passé pour toi ? Quand est-ce que tu passes ? On essaie d'assister à des compétitions sur notre temps libre, même quand on est épuisé par notre dernière compétition, et on se soutient.

Et ce qui est formidable, c’est que nous ne sommes pas seuls. Nos collègues, nos amis viennent monde entier pour célébrer ces Jeux Olympiques avec nous. On ne parle volontairement pas de disputer les Jeux olympiques, mais de les célébrer. […]

La ville entière participe. Quand je suis dans le métro, les gens me demandent quelle discipline je pratique. Ils demandent des autographes ou veulent juste prendre une photo. Pas parce que je suis célèbre, mais parce que je fais partie d'une communauté qui peut symboliser ce que nous sommes capables de faire. Nous pouvons nous battre jusqu’au sang. Tout donner pour notre pays et ressentir pleinement la fierté nationale. Mais parce que nous respectons les règles, nous pouvons nous féliciter une fois franchie la ligne d'arrivée et rester amis.

AA : Selon toi, en tant que société, que pourrions-nous apprendre de la vie au village olympique ?

LK : La vie au village olympique va de pair avec de nombreux privilèges. Tout est gratuit. On a beaucoup de temps libre car après l’épreuve, on a fait l’essentiel du travail. On bénéficie d’un certain nombre de sécurités sur lesquelles on peut compter sans avoir à se battre pour les obtenir. Il est donc difficile d’en tirer des leçons pour résoudre les problèmes pratiques de la vie.

Mais je suis fermement convaincu que les valeurs abstraites qui règnent dans notre communauté peuvent inspirer des solutions dans la pratique. Quand nous sommes assis à la cantine du village olympique et que tout le monde peut venir à la table de tout le monde, il est correct de dire « Non, j’ai besoin d’avoir la paix et la tranquillité », mais il est correct aussi de se lancer dans une discussion profonde. C’est, je pense, une façon d’exprimer qu’on s’apprécie et qu’on se reconnaît mutuellement. C’est aussi adhérer pleinement à cet idéal d'amitié internationale et interculturelle qui devrait inspirer notre façon d’être également en dehors du sport.

AA : Que signifient pour toi les valeurs olympiques en dehors du sport ?

LK : [Il réfléchit] Excellente question. Depuis 2022, je suis ambassadeur du CIO, pour Believe in sport. J’essaie de penser différemment, de me concentrer sur ce que nous voulons réaliser plutôt que sur toutes les interdictions qui existent. Quel genre de communauté voulons-nous créer ? Que signifie pour nous ces trois valeurs pour nous, au 21e siècle ? […]

Pour moi, l'excellence passe par le travail d'équipe. Même si je pratique un sport individuel, je ne peux le faire que grâce à tous les supporteurs que j'ai à travers le monde. […] Les gens qui ont cru en moi quand la Fédération n’y croyait plus. Les gens qui ont cru en moi quand j'ai été blessé par une morsure de chien […] ou quand j'ai perdu quelqu'un. […]

La deuxième valeur olympique est le respect. Le respect, c’est respecter l’adversaire. C’est aussi le fair-play. […] Le respect possède de nombreuses dimensions, y compris le respect des limites des autres. No means no. […]

Et la troisième valeur, c’est l'amitié. Pour moi, nous sommes à travers Jeux Olympiques complètement à l’opposé de toute la haine, de l'hostilité que peuvent générer l’orgueil national, les frontières, les différents obstacles que la vie nous offre. Le sport […] nous montre que nous travaillons tous avec un corps humain qui teste les limites. Et peu importe les aspects financiers, religieux, ethniques, politiques, nationaux, au moins de la ligne de départ jusqu’à la ligne d’arrivée, nous luttons tous avec le même corps contre les limites que la biologie nous impose. C’est là une forme d’humanité qui se révèle et élève toute cette amitié à un niveau émouvant.

AA : Qu’apprends-tu du sport, et notamment du sport de compétition, sur la résilience et sur la manière de poursuivre tes objectifs, à ton rythme, en dehors du sport ?

Énormément. Autant sur le comportement en compétition que pour planifier de grands projets. Pour prendre un point précis, il faut abandonner l’illusion d’une préparation olympique parfaite. Je n'ai jamais entendu parler d'un athlète, même en coulisses, qui se serait préparé de manière optimale pour les Jeux olympiques. Il y aura toujours des obstacles. Les plus performants sont ceux qui surmontent ces obstacles. Ce sont des gens qui ont l'endurance nécessaire pour se relever encore et encore, qui trouvent la force de reprendre du poil de la bête quand cela va vraiment mal et qui savent trouver la motivation de se secouer. […] Pour moi, la force vient de tous ceux qui me soutiennent, depuis des années ou seulement depuis deux minutes.

AA : Que dirais-tu aux lecteurs qui mettent leurs baskets devant la porte le soir, puis passent devant le matin sans les enfiler alors qu’ils s’étaient promis de le faire ?

C'est une excellente question. J'aimerais avoir un podcast complet à ce sujet. Pour le dire de manière très pragmatique, chaque petit pas est un progrès. Poussez-vous à faire des très petites choses une expérience joyeuse. Je pense que le sport doit être un plaisir. Nous nous concentrons trop souvent sur les sports de compétition en oubliant de reconnaître la valeur des sports populaires. Mais la vérité est que sans sports populaires, il n’y aurait pas de sports de compétition. […]

Merci d’avoir répondu à mes questions.

Propos recueillis par Manon Funke
Édition/ traduction : A.L.

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