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Douillette, paresseuse : la « Génération Z » correspond-elle aux idées reçues ?
Toujours malade et obsédés par les loisirs ? Les données empiriques ne valident pas ces préjugés à l’égard des jeunes professionnels de la « Génération Z », ou elles sont insuffisantes, plaide le sociologue du travail Eike Windscheid-Profeta, © picture alliance / Zoonar | BENIS ARAPOVIC
On la dit peu engagée dans le travail, souvent malade, obsédée par le temps libre : l’arrivée de la « Génération Z », née entre 1995 et 2010, bouscule le monde du travail. Ces préjugés sont-ils fondés ? Le sociologue Eike Windscheid-Profeta remet certains clichés en question.
Les jeunes contre les anciens : le débat ne date pas d’hier. Depuis peu, l’arrivée sur le marché du travail de celle que l’on appelle la « Génération Z », née entre 1995 et 2010, semble bousculer les habitudes. On la dit peu engagée dans le travail, souvent malade, obsédée par le temps libre… On va parfois même jusqu’à y voir un facteur d’injustice entre les générations, ou une mise en danger de l’Etat-Providence. Qu’en est-il ?
Il y a quelques jours, le sociologue Eike Windscheid-Profeta, spécialiste du travail aux université d’Osnabrück et de Bamberg, a publié une longue analyse sur la question sur le site de la Fondation Hans Böckler. Dans cet article, mis en ligne sous la forme d’un post de blog, il bat en brèche un certain nombre d’idées reçues et de préjugés. Selon lui, les données empiriques ne valident généralement pas ces préjugés à l’égard des jeunes professionnels de la « Génération Z », ou elles sont insuffisantes.
L’appartenance à une génération moins décisive que l’âge
Premier exemple : les jeunes sont-ils plus souvent en arrêt maladie que leurs aînés ? Les données de la Techniker Krankenkasse (Caisse d’assurance maladie des techniciens) révèlent que les 15-24 ans sont en moyenne malades un peu moins de quatre fois dans l’année, pour une moyenne de cinq jours d’absence, contre 1,5 fois pour les plus de 60 ans pour une durée d’absence de 20 jours. Selon Eike Windscheid-Profeta, ces profils d’absences, différents selon l’âge, restent stables sur la longue durée. « Il ne s’agit pas d’un absentéisme volontaire », écrit-il. « Au cours de la carrière, ce sont simplement les risques de tomber malade qui évoluent », ainsi que les ressources pour récupérer plus ou moins vite.
Deuxième exemple : les jeunes sont-ils moins motivés par le travail et la performance ? Ici encore, le sociologue observe les données sur la longue durée. Il montre qu’il ne s’agit pas d’un phénomène générationnel. « De manière typique, l’importance que les gens accordent au travail croît environ jusqu’à l’âge de 40 ans, puis elle diminue par paliers », indépendamment de l’appartenance à une classe d’âge. Autrement dit, les seniors d’aujourd’hui auraient montré une motivation similaire à celle de la jeunesse actuelle si on les avait observés il y a vingt ans.
Le sociologue va même va plus loin. Selon lui, les clichés sur les « Boomer » réfléchis, la « Génération X » avide de sécurité, les « Millenials » critiques qui remettent tout en question, et la « Génération Z » paresseuse et nombriliste sont peut-être intéressants pour élaborer des campagnes marketing ciblées. Mais ces généralisations, « ces attributions collectives ne tiennent généralement pas sur le plan empirique, et elles induisent en erreur sur le plan conceptuel ».
Une revendication montante de « temps pour soi »
Pour finir, le sociologue s’intéresse à la question de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. La « Génération Z » a la réputation de ne penser qu’au temps libre, en particulier en réclamant le passage à la semaine de quatre jours. Or, rappelle Eike Windscheid-Profeta, il s’agit d’une revendication transgénérationnelle : selon les sondages, 80 % des salariés allemands peuvent imaginer travailler sur quatre jours (sans réduction de salaire). « Il s’agit là d’un souhait profondément ancré et répandu dans toutes les catégories de salariés », souligne le sociologue.
Derrière cette aspiration émerge le désir d’avoir « plus de temps pour soi », analyse-t-il. Et ce désir transcende les générations, que l’on soit jeune professionnel avec des responsabilités parentales ou senior avec des parents âgés à charge.
A.L.