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Le carnaval, une affaire qui roule… et qui rapporte

Début du carnaval de rue, ce jeudi, à Düsseldorf

Début du carnaval de rue, ce jeudi, à Düsseldorf, © picture alliance/dpa | Federico Gambarini

09.02.2024 - Article

Cologne, Düsseldorf, Mayence : du 8 au 13 février, la fête bat son plein dans les bastions du carnaval en Allemagne. Déguisements, défilés, couleurs et bonne humeur sont de sortie ! Un grand moment de convivialité. Et une affaire juteuse pour l’économie, révèle une étude.

1,7 milliard d’euros : c’est ce que le carnaval devrait rapporter cette année à l’économie allemande, selon l’Institut pour l’économie allemande (IW). Des retombées économiques importantes, d’autant que la saison est très courte cette année (95 jours au total, contre 118 en 2011). L'éphémère prise de pouvoir par les fous et les bouffons de tous poils fait l’effet d’une gorgée énergisante sur l’économie locale. Costumes pour les défilés, nourriture, boissons, nuits d’hôtel, transports, activités diverses : la demande explose.

Le carnaval « est surtout profitable pour la restauration », analyse l’IW. « Les bouffons ne regardent pas à la dépense pour le kölsch (bière originaire de la région de Cologne), l’Altbier (bière brassée autour de Düsseldorf) et les friandises. » Les défilés, qui ponctuent la semaine du Jeudi des femmes jusqu’au Mardi gras, devraient rapporter quelque 770 millions d'euros au secteur, principalement dans les places fortes du carnaval rhénan que sont Cologne, Düsseldorf et Mayence.

Un stimulant pour l’économie locale

Les autres activités ne sont toutefois pas en reste. L’Institut IW prévoit un chiffre d’affaires de 360 millions d’euros pour les vendeurs de costumes, de 260 millions pour les transports (rail et taxis, principalement) et de 190 millions pour l’hôtellerie. « L’activité du carnaval s’est remise de la période du Covid », constate son directeur, Michael Hüther. « Pour l’économie locale, le carnaval est une lueur d’espoir. La restauration et l’hôtellerie ont particulièrement besoin de ces impulsions importantes. »

On aurait tort, cependant, de se baser sur les seuls chiffres. « Au-delà de l’aspect purement économique », souligne encore M. Hüther, « les folles journées du carnaval sont importantes pour beaucoup de gens à l’heure où nous passons d’une crise à l’autre, et où nous devons apprendre à rester optimistes. Elles s’inscrivent dans la droite ligne de l’expression rhénane  »Et kütt wie et kütt, und et hätt noch immer jood jejange«  (litt. : Advienne que pourra, ça s’est toujours bien passé) ».

Une institution, de Rhénanie à la Bavière

De fait, le carnaval est une institution en Allemagne. De la Rhénanie à la Souabe, le pays a su garder vivante une tradition qui date du Moyen-Âge. Elle prend des noms et des formes différentes selon les régions : « Karneval » en Rhénanie, «  Fastnacht » pour le carnaval souabe-alémanique, « Fasching  » en Bavière. Mais le déroulement est immuable.

La session débute le 11 novembre à 11 h 11. À partir de début février, le carnaval se déploie dans les rues pendant six jours. Tout est permis durant cette parenthèse dans le cours des choses, où les hiérarchies sont renversées.

Le Jeudi des femmes (Weiberfastnacht) donne le coup d’envoi de la semaine. Les fous prennent d’assaut les hôtels de ville. Les femmes s’arrogent le pouvoir en tranchant les cravates des hommes. À Düsseldorf, les carnavalières (« Möhnen ») assaillent l’hôtel de ville. À Cologne, la « Trinité » composée de la Vierge, du Prince et du Paysan libère les fous.

Quand les femmes s’émancipent…

Premier jour des défilés de carnaval, le Jeudi des femmes se caractérise par une soudaine et temporaire inversion des pouvoirs. Une tradition bien connue : les femmes coupent les cravates des hommes
Premier jour des défilés de carnaval, le Jeudi des femmes se caractérise par une soudaine et temporaire inversion des pouvoirs. Une tradition bien connue : les femmes coupent les cravates des hommes © picture alliance/dpa | Federico Gambarini

Cette année, cette journée d’émancipation des femmes a pris une couleur particulière dans le quartier de Bonn-Beuel. On y a célébré en même temps que le carnaval le 200e anniversaire du « soulèvement des blanchisseuses ». En 1824, ces femmes s’étaient rebellées contre le patriarcat et l’exploitation de la gent féminine. Elles avaient fondé un comité de femmes. « Leur coutume, fermement réglementée, de se réunir autour d’un café pour échanger sur les grossières violations de la paix domestique et de la fidélité conjugale par leurs maris a survécu aux différents régimes politiques jusqu’à nos jours », souligne la ville de Bonn.

Tout au long du week-end, les défilés vont se succéder dans la joie et la bonne humeur dans les bastions du carnaval. Une pluie battante s’est invitée jeudi, pour l’inauguration. Mais il en faut plus pour éteindre l’enthousiasme dans les cœurs des carnavaliers. En Rhénanie, on attend plus d’un million de fous et de bouffons dans les rues, dont 500 000 à 600 000 à Düsseldorf et 800 000 à Cologne.

L’apogée du Lundi des roses

Le lundi des Roses (lundi 12 février 2024) marquera l’apogée de saison. Les chars des grands défilés arpenteront les rues dans une explosion de couleurs, de gaité et d’insolence. Le défilé de Cologne devrait être le plus long du pays (7,5 km) avec 175 chars, contre 123 à Düsseldorf.

Comme chaque année, les responsables politiques en prendront pour leur grade. On évoque le chancelier Olaf Scholz campé ici avec un bandeau de pirate sur un navire en détresse, là en paresseux sommeillant sur sa branche, le chef de l’opposition, Friedrich Merz, agrippé au col par une walkyrie étiquetée AfD, les politiciennes Alice Weidel, présidente de l’AfD et Sahra Wagenknecht, jambes dénudées, sur un char conduit par le président russe Vladimir Poutine aux mains ensanglantées ou encore le président ukrainien, Volodymyr Selensky, en pleine réflexion : « to be or NATO be ? ».

Puis, ce sera le Mardi gras et les derniers feux du carnaval. Avant le Mercredi des cendres, qui marquera le début du Carême pour les chrétiens et le retour à la normale pour tous.

A.L.

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