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Magnus Hirschfeld, précurseur des droits queer, honoré en France et en Allemagne

Magnus Hirschfeld (1868-1935), sexologue, auteur et activiste homosexuel allemand

Magnus Hirschfeld (1868-1935), sexologue, auteur et activiste homosexuel allemand © Archiv der Magnus-Hirschfeld-Gesellschaft e.V., Berlin

16.05.2025 - Article

Le 14 mai 1935 décédait à Nice le médecin, auteur, activiste homosexuel et précurseur des droits queer allemand Magnus Hirschfeld. 90 ans plus tard, la France et l’Allemagne lui ont rendu hommage cette semaine, à Nice et à Berlin. Retour sur sa vie et son œuvre.

C’est le destin d’un Allemand exilé en France pour fuir les persécutions nazies. C’est aussi et surtout celui d’un médecin, pionnier de la recherche sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Quatre-vingt dix ans après sa mort, le 14 mai 1935, la France et l’Allemagne ont rendu hommage cette semaine à Magnus Hirschfeld (1868-1935), sexologue, auteur et activiste homosexuel allemand. Sa vie et son œuvre ont profondément marqué le développement de la sexologie en Europe.

Magnus Hirschfeld voit le jour dans une famille de médecins juifs à Kolberg, en Poméranie (actuelle Kołobrzeg, en Pologne). Il suit des études de médecine à Strasbourg, Munich et Berlin, et se spécialise en médecine générale. Rapidement, il se tourne vers les questions de médecine sexuelle et de politique sociale. Au contact de patients homosexuels et non conformes au genre, son intérêt grandit pour la recherche scientifique sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre, des sujets alors tabous dans l’Empire allemand.

Un pionnier de la défense des droits des homosexuels

En 1897, il fonde à Berlin la première organisation au monde dévolue à la défense des droits des personnes homosexuelles : le Comité scientifique et humanitaire (Wissenschaftlich-humanitäres Komitee, WhK). Les fondateurs ont pour principal objectif de faire abolir le paragraphe 175 du code pénal allemand, qui punit les rapports sexuels entre hommes. Ils organisent des campagnes de relations publiques, mettent en avant des arguments scientifiques, exercent des pressions juridico-politiques. Ils lancent aussi une pétition pour la réforme du paragraphe 175. Elle est présentée à plusieurs reprises au Reichstag entre 1898 et 1925. En vain.

En tant que médecin, Magnus Hirschfeld établit des « certificats de travestissement ». Ce sont des attestations officiellement reconnues. Elles permettent aux personnes trans d'adopter une apparence vestimentaire et physique conforme au genre auquel elles se sentent appartenir sans s’exposer à des poursuites pénales ou policières.

L'Institut de sexologie - un espace de protection

En 1919, il fonde l'Institut de sexologie (Institut für Sexualwissenschaft) dans le quartier du Tiergarten, à Berlin. Ce centre de recherche et de conseil multidisciplinaire s’adresse aux personnes homosexuelles et transgenres. Il leur donne accès à des conseils médicaux, psychologiques et juridiques. Il organise des conférences, des soirées cinéma et des expositions sur des sujets liés à la sexologie. C’est aussi un refuge, qui propose logement, soins médicaux et soutien psychologique. Mais cet espace de protection s’évanouit avec l’accession des nazis au pouvoir. En mai 1933, pendant que Magnus Hirschfeld effectue une tournée de conférence à l'étranger, l'institut est pillé et détruit.

Innovation scientifique

Le travail de Magnus Hirschfeld ne se limite toutefois pas à l’aide aux personnes. On doit au médecin allemand des apports théoriques majeurs au développement de la sexologie. Avec sa théorie des « étapes sexuelles intermédiaires » (sexuelle Zwischenstufen), il décrit un spectre reliant les pôles socialement fixés de la masculinité et de la féminité, de l'hétérosexualité et de l'homosexualité. Il souligne que l'identité de genre, l'expression et l'orientation sexuelles varient d'un individu à l'autre. Des conceptions très en avance sur son temps.

Sur le plan médical, l’une de ses plus grandes réussites est d’avoir contribué à la première opération connue de réassignation sexuelle. Elle est réalisée en 1930 sur une transsexuelle danoise, Lili Elbe. Elle marque une étape clé dans la reconnaissance médicale de la transidentité, tout en restant un tabou social.

En France

Son institut détruit par les nazis, Magnus Hirschfeld prend le chemin de l’exil. Il trouve refuge à Paris, près de la Tour Eiffel, dans le 7 arrondissement. Il y vit avec Karl Giese, son partenaire et collaborateur, et l’étudiant en médecine Li Shiu Tong.

Il tente de créer un nouvel Institut de sexologie avec le médecin français Edmond Zammert. Sans succès. Les difficultés politiques et financières, ainsi que la perte de ses archives ont raison du projet. Mais Magnus Hirschfeld demeure actif sur le plan scientifique et littéraire. Il publie dans des revues internationales sur des sujets politiques et sexologiques, et il correspond avec des scientifiques.

Il accueille aussi à Paris un grand nombre d’artistes allemands, souvent d'origine juive, en transit vers l’Angleterre, les États-Unis ou la Palestine. Le 10 mai 1934, lors du premier anniversaire des autodafés nazis, il prononce en tant que représentant de la science allemande en exil le discours d’inauguration de la « Bibliothèque des livres brûlés » à Paris, aux côtés d'André Gide et d'autres intellectuels. L'année suivante, il s’installe à Nice. Il succombe à une crise cardiaque le 14 mai 1935, jour de son 67e anniversaire.

Commémoré en France et en Allemagne

L’adjointe au maire et Déléguée à la Lutte contre les discriminations Maty Diouf a déposé une gerbe sur sa tombe aux côtés de Matthias Waechter, Consul Honoraire de la République fédérale d'Allemagne
L’adjointe au maire et Déléguée à la Lutte contre les discriminations Maty Diouf a déposé une gerbe sur sa tombe aux côtés de Matthias Waechter, Consul Honoraire de la République fédérale d'Allemagne © Ambassade d'Allemagne

À l’occasion du 90e anniversaire de sa mort, la ville de Nice lui a rendu hommage cette semaine. L’adjointe au maire et Déléguée à la Lutte contre les discriminations Maty Diouf a déposé une gerbe sur sa tombe aux côtés de Matthias Waechter, Consul honoraire de la République fédérale d'Allemagne. Parallèlement, à Berlin, une cérémonie devant la stèle de Magnus Hirschfeld a réuni l’Ambassadeur pour les droits des personnes LGBT+ du gouvernement français Jean-Marc Berthon, le Délégué du Land de Berlin pour l’acceptation de la diversité sexuelle et de genre Alfonso Pantisano, ainsi que membres de la famille.

En hommage à Magnus Hirschfeld, des visites guidées, des conférences, des débats, des performances artistiques ont été organisées à Berlin. Une carte historique retraçant les lieux de mémoire queer liés au sexologue allemand a été présentée.

À Nice, les commémorations se poursuivront le 24 mai avec le dévoilement d’une plaque commémorative et le lancement d’une exposition documentaire conçue par l’association berlinoise Magnus-Hirschfeld-Gesellschaft.

F.Z./E.H. (Révision : A.L.)

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