« Essaie de faire ta vie ! » : ce seront les derniers mots de sa mère. Elle sera déportée en janvier 1943 avec son frère Ralf, et assassinée à Auschwitz. Sans ces mots, Margot Friedländer aurait peut-être connu le même destin. Il n’en sera rien. Survivante de l’Holocauste et passeuse de mémoire, elle est décédée vendredi 9 mai à l’âge de 103 ans. Des innombrables lui ont été rendus toute cette semaine.

En 1943, écoutant le message de sa mère, Margot Friedländer décide d’enlever son étoile jaune et de se cacher. Elle a 21 ans. Elle reste quinze mois à Berlin à l’abri des regards, passant de cachette en cachette. En avril 1944, elle est dénoncée, et déportée au ghetto de Theresienstadt. Elle pénètre dans un « espace intermédiaire » qui n’est « ni la vie, ni la mort », écrira-t-elle plus tard. Il y règne partout la faim et la misère. Elle croise des êtres hagards et des cadavres. « Une question dominait notre vie » disait-elle : « quelle est la limite de ce qu’un être humain peut endurer ? ».

Margot Friedländer est déterminée à survivre. Et elle y parviendra. Dans le ghetto, elle rencontre son futur mari. Ensemble, ils émigrent aux États-Unis en 1946. Elle y travaille comme tour-opératrice et couturière. Il lui faudra plusieurs décennies pour évoquer ses souvenirs dans un livre, « Essaie de faire ta vie ». Cachée à Berlin en tant que juive, qu’elle publie avec Malin Schwerdtfeger à la fin des années 2000.

En 2010, elle décide, à 88 ans, de revenir vivre à Berlin, sa ville natale. Elle s’engage alors avec vigueur dans la transmission de la mémoire. Elle multiplie les lectures, les conférences, elle est invitée à s’exprimer au Bundestag. Elle reçoit de nombreux prix.

À la jeune génération, elle déclare : « Je ne veux pas qu’un être humain ait à vivre quelque chose de semblable à ce que nous avons vécu. […] Cela ne doit plus jamais se produire. » Elle demande aux jeunes de prendre le relais des témoins qui disparaissent peu à peu.

Elle souligne aussi : « Nous ne devons jamais oublier, mais la mémoire ne suffit pas« . Son message inlassable est le suivant :  »Soyez des êtres humains. Nous sommes tous égaux. Il n’y a pas de sang chrétien, musulman ou juif. Nous sommes tous égaux. »

Le jour de sa mort, elle devait être décorée par le président allemand, Frank-Walter Steinmeier. L’annonce de sa disparition a suscité une pluie d’hommages.

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« Margot Friedländer nous a offert la réconciliation après tout ce que les Allemands lui ont fait subir quand elle était jeune », a souligné M. Steinmeier. Son  »héritage est pour nous un avertissement et une obligation. A fortiori à une époque où la démocratie est remise en question et où l’antisémitisme s’exprime à nouveau ouvertement, il est de notre responsabilité de ne plus jamais abandonner la communauté juive de notre pays.« 

Perpétuer la transmission de la mémoire

Le chancelier Friedrich Merz a salué l’une des voix les plus fortes de notre époque. « Elle nous a confié son histoire. C’est notre devoir de la transmettre », a-t-il déclaré.

Le Bundestag a rendu hommage mercredi à Margot Friedländer en observant une minute de silence. Le président Steinmeier, le chancelier Merz, leurs prédécesseurs Joachim Gauck, Angela Merkel et Olaf Scholz, et de très nombreuses personnalités allemandes étaient présentes jeudi au cimetière de Berlin-Weißensee pour lui rendre un dernier hommage.

A.L.