Âge de la retraite, dépenses de santé, contrat entre les générations : l’avenir des systèmes sociaux est au cœur des débats de société sur les deux rives du Rhin. En cause : le vieillissement de la population, qui fragilise leur financement. Un enjeu majeur pour demain. Mais à quoi s’attendre exactement sur le plan démographique ? En Allemagne, l’Office fédéral des statistiques (destatis) vient de publier ses Perspectives démographiques à l’horizon 2070. Dans les décennies à venir, l’Allemagne devrait compter plus de retraités, moins d’actifs en âge de travailler et sans doute moins d’habitants.

Dans 10 ans, une personne sur quatre aura 67 ans ou plus

Premier enseignement, le nombre de retraités va rapidement augmenter. En 2035, une personne sur quatre aura 67 ans ou plus (67 ans sera l’âge légal de départ à la retraite en Allemagne à partir de 2031). En 2024, c’était une sur cinq.

En 2038, la société allemande devrait ainsi compter entre 25 % à 27 % de retraités. « En fonction de l’augmentation de l’espérance de vie, le nombre de retraités atteindra 20,5 à 21,3 millions de personnes. Ce sont 3,8 à 4,5 millions de personnes de plus qu’aujourd’hui », détaille Elke Loichinger, directrice du département Analyses démographiques, modélisation et mouvements naturels de population.

Baisse d’au moins 4 millions du nombre de personnes en âge de travailler d’ici 2070

Deuxième constat : la population en âge de travailler (20-66 ans) va diminuer jusqu’au milieu des années 2030. « La génération du babyboom est en pleine transition de la vie active vers la retraite. Des générations beaucoup moins nombreuses vont lui succéder », résume Karsten Lummer, directeur du département Population. Le nombre de personnes en âge de travailler devrait se réduire d’au moins 4 millions à l’horizon 2070.

Quid de l’apport de l’immigration pour freiner cette érosion ? Les statisticiens ont établi plusieurs scénarios : tous montrent que même une immigration élevée ne suffirait pas à combler la baisse de la population active qui va apparaître dans les prochaines années. Avec un taux de natalité et une espérance de vie moyens, la population en âge de travailler passerait de 51,2 millions (2024) à 45,3 millions (2070) avec une immigration élevée, à 41,2 millions avec une immigration modérée et à 37,1 millions de personnes avec une faible immigration.

Retraite, dépendance : « la pression sur les systèmes sociaux va augmenter »

Agrandir l'image

Fermer

Dans ce contexte, une chose est donc certaine, affirme Karsten Lummer : « la pression sur les systèmes sociaux va augmenter ». Pour ce qui est des retraites, « on compte aujourd’hui 33 retraités pour 100 personnes en âge de travailler », explique le statisticien. « En 2070, dans le meilleur des cas, ce chiffre passera à 43 » retraités pour 100 actifs« .

Et dans le pire scénario, avec un taux de natalité durablement bas et une immigration nette faible, on compterait 61 retraités pour 100 actifs. Ce serait  »deux fois plus qu’aujourd’hui« , souligne M. Lummer.  »Il y aurait alors moins de deux cotisants«  par retraité.

Les problèmes s’annoncent similaires du côté de la dépendance. Le nombre de séniors de plus de 80 ans va grimper en flèche à l’horizon 2050. Après une légère baisse dans les cinq ans à venir (les générations nées de 1945 à 1949 étant moins nombreuses), il va passer de 6,1 millions au milieu des années 2030 à 8,5 à 9,8 millions de personnes en 2050. Il devrait se stabiliser entre 7,4 et 10 millions à l’horizon 2070.

L’Allemagne perdra probablement des habitants d’ici à 2070

Troisième enseignement : à l’horizon 2070, l’Allemagne devrait perdre des habitants. De 83,5 millions d’habitants en 2025, elle devrait retomber une fourchette située entre 63,9 millions et 86,5 millions. Le scénario moyen (natalité, espérance de vie et immigration modérées) dessine pour 2070 un pays de 74,7 millions d’habitants.

C’est une baisse plus accusée que ce que prévoyait la dernière édition des Perspectives démographiques de l’Office fédéral des statistiques, en 2022. Il était alors question d’une Allemagne de 70,2 à 94,4 millions d’habitants en 2070. La différence s’explique par la réduction du solde migratoire, la baisse de la natalité et l’ajustement des paramètres de calcul en suivant ces tendances.

Des réalités variées selon les régions

Dernier constat : cette baisse de la population prendra des visages variés d’une région à l’autre. Les länder de l’ouest se dirigent vers une baisse ou, dans le meilleur des cas, une stabilisation de leur population. Ceux de l’est devraient perdre 14 à 30 % de leurs habitants d’ici à 2070. À l’inverse, les villes-États comme Berlin, Hambourg et Brême conservent une démographie plus dynamique. Elles verraient leur population augmenter d’ici à 2070 avec une immigration forte ou modérée. Et elles limiteraient la perte démographique à 11 % avec une faible immigration.

L’hétérogénéité est également de mise en termes de vieillissement. Dans les länder de l’ouest, le nombre de séniors de 67 ans et plus pourrait augmenter de 30 % d’ici à 2039, puis se stabiliser. À l’est, où le vieillissement est déjà plus avancé, il pourrait augmenter de 11 à 16 % seulement, puis baisser à partir de 2039. Et dans les villes, il devrait croître continuellement. Les villes-États pourraient compter 50 à 58 % de personnes de 67 ans et plus de plus en 2070 qu’en 2024.

A.L.

En savoir plus : Office fédéral des statistiques (destatis)