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De la Résistance au drame familial : les films allemands à la Berlinale
Johannes Hegemann et Liv Lisa Fries dans le film « From Hilde, with Love » de l’Allemand Andreas Dresen, Allemagne, 2024, Compétition officielle de la Berlinale, © Frederic Batier / Pandora Film
Deux des 20 films présentés dans la sélection officielle de la Berlinale sont allemands. Coup de projecteur sur « From Hilde, with Love » d’Andreas Dresen et « Dying » de Matthias Glasner.
Le suspense aura été de courte durée, une fois le tapis rouge déroulé. Les deux films allemands en lice pour les Ours d’or et d’argent de la Berlinale ont été présentés dès les premiers jours du festival. Le premier, « In Liebe, Eure Hilde » (« From Hilde, with Love »), est signé Andreas Dresen, un grand habitué du festival berlinois. Il raconte avec intensité et humanité l’histoire vraie d’une jeune Résistante sous le nazisme, Hilde Coppi. Le second, « Sterben » (« Dying »), de Matthias Glasner, se fait l’écho des drames psychologiques et des questions existentielles qui peuvent assaillir une famille quand les parents approchent de la mort.
Andreas Dresen fait revivre Hilde Coppi
Le personnage d’Hilde Coppi est incarné à l’écran par Liv Lisa Fries. « From Hilde, with Love » repose en partie sur son interprétation, saluée par des critiques « impressionnés ». La célèbre comédienne de la série « Babylon Berlin » ne fige pas la Résistante Hilde Coppi dans une posture d’héroïne idéaliste et inaccessible. Elle fait, au contraire, revivre à l’écran sa jeunesse, sa sensibilité, sa vulnérabilité et sa grandissante force d’âme. L’une des scènes les plus intenses du film est la naissance de son fils dans la prison où elle va être exécutée quelques mois plus tard. Un fils toujours en vie. À 81 ans, il a été salué par une ovation debout du public de la Berlinale.
Le film est fidèle à la vision humaniste qui anime les films d’Andreas Dresen. Il évite l’écueil du film historique et les clichés de la représentation du nazisme à l’écran (croix gammées, voix fortes, etc.) pour se concentrer sur l’histoire d’amour entre Hans et Hilde Coppi. Il dépeint la fausse insouciance de l’été 1942. Les deux jeunes gens profitent de la vie tout en s’efforçant de multiplier les protestations contre la guerre et la propagande nazie. Avec leur groupe, baptisé « Rote Kapelle », ils tentent de transmettre des informations à l’URSS. Mais ils sont arrêtés par la Gestapo. Ils seront exécutés en 1943 à la prison de Plötzensee.
Le scénario décrit la transformation de Hilde, jeune fille plutôt timorée qui se mue dans l’épreuve en une femme déterminée et forte. La narration n’est pas linéaire. Elle s’ouvre sur la vie en prison et superpose plusieurs strates temporelles par le biais de flash-backs. Une manière de ne pas imposer une vision unique, mais plutôt d’inviter le spectateur à se mettre dans la peau des différents acteurs et à s’interroger.
Plongée dans les tréfonds de l’univers familial
Le film de Matthias Glasner, « Dying », nous plonge dans une tout autre époque et un tout autre contexte. Le titre évoque laconiquement la mort. Mais il ouvre en réalité un drame familial, psychologique et existentiel. Matthias Glasner, né en 1965, évoque la situation de cette génération du baby-boom qui voit aujourd’hui ses parents mourir ou approcher de la fin. Avec ce que cela ressuscite et révèle de non-dits, frustrations, conflits larvés, etc.
Le film se structure en trois parties, qui proposent trois perspectives différentes. La première s’ouvre sur la mort du père, atteint de démence, et sur la détresse de la mère, incarnée par l’actrice Corinna Harfouch. Un coup de téléphone au fils plante le décor. Chef d’orchestre carriériste et froid, incarné par Lars Eidinger, il a peu de temps, mais promet de passer.
S’ouvre alors un drame intense. Il culmine dans un duo à couper le souffle, calibré au millimètre, entre Corinna Harfouch et Lars Eidinger, dans la cuisine des parents. Puis, au cimetière, la mère révèle abruptement son cancer à son fils. Elle se livre parallèlement à une analyse froide de son manque d’empathie maternelle. Les abîmes sur lesquels repose l’équilibre familial apparaissent au grand jour.
La troisième partie met en avant le personnage de la sœur (incarnée par Lilith Stangenberg). Une figure instable, alcoolique, qui vacille entre fragilité et autodestruction, excès de nervosité et touchante ouverture.
Le film oscille ainsi entre émotion brute et sensibilité. C’est un drame familial et psychologique. Mais il déploie aussi une réflexion plus vaste sur l’existence, la précarité de la vie d’artiste, les contradictions entre l’ego et le manque de confiance en soi. Un film à la fois très personnel et universel, a salué la critique.
A.L.