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Mort de l’artiste Rebecca Horn, chorégraphe de la métamorphose
L’artiste allemande Rebecca Horn est décédée à l’âge de 80 ans. Elle pose ici en 2013 devant l’un de ses œuvres, intitulée « Melancholic Tornado », © picture alliance/ITAR-TASS
Plasticienne de renommée internationale, l’artiste allemande Rebecca Horn est décédée vendredi à l’âge de 80 ans. Son œuvre, singulière et poétique, explore l’humain, sa relation avec la nature, la culture et la technologie. Elle résonne comme un appel à l’imagination.
Il y a cinq ans, le Centre Pompidou-Metz lui consacrait une vaste rétrospective. De New York à Vienne en passant par Bâle, Tokyo, Londres ou Munich, son œuvre a été présentée dans les musées du monde entier. En 2010, le Praemium Imperiale, « le Prix Nobel de l’art », couronnait ce parcours artistique singulier, poétique et inspirant. L’artiste allemande Rebecca Horn est décédée vendredi à l’âge de 80 ans.
Cette Hessoise, fille d’un fabricant textile, était née en 1944 à Michelstadt, dans l’Odenwald. Elle a vécu dix ans à New York, puis à Paris avant d’accepter un poste de professeure à l’Académie des Beaux-Arts de Berlin, en 1989.
En 1967, elle est encore étudiante à l’Académie des Beaux-Arts de Hambourg lorsqu’elle fait une expérience traumatisante. En expérimentant des moulages en polyester fibre de verre, elle contracte une grave intoxication pulmonaire. Elle est cloîtrée pendant plusieurs mois dans un sanatorium.
Le corps, la machine, la nature
Le corps devient alors son objet d’étude privilégié. À partir des années 1970, elle se fait connaître à travers des sculptures corporelles rappelant l’esthétique des prothèses. Elle met en scène des corps contraints par des dispositifs de protection, ou au contraire augmentés par des extensions physiques. Elle interroge les limites du corps, explorant les contradictions entre sujet et objet, corps et machine, humain et animal, harmonie et désordre.
L’être humain, sa relation avec la nature, la culture et la technologie, ainsi que la différence entre l’humain et le non-humain sont les grands thèmes de son œuvre. Elle crée des machines animées, et des sculptures en mouvement composées d’objets : violons, valises, pianos, tuyaux, marteaux et spirales.
Poésie et imagination
C’est aussi une grande lectrice, et une grande cinéphile. Elle se fait tour à tour poétesse, autrice, cinéaste, metteure en scène, compositrice, réalisatrice d’installations. Artiste polymorphe, elle se définit elle-même comme une chorégraphe. « Une chorégraphe du surréel », abonde le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung dans sa nécrologie. De fait, avec toute la poésie qui caractérise son œuvre, Rebecca Horn s’inscrit dans la lignée du romantisme, du dadaïsme et surtout du surréalisme.
Elle a le goût de l’expérimentation. Et en appelle volontiers à l’imagination du spectateur. Des costumes à plumes et des corsets de ses débuts aux sculptures mécaniques et aux installations à résonnance politique, elle lui offre un espace où se laisser toucher et accompagner vers un voyage fantastique. Dans son esprit, le public devient ainsi partie prenante de l’exposition de ses œuvres et de ses films.
Rétrospective à Munich jusqu’au 13 octobre
En 1972, Rebecca Horn est la plus jeune exposante de l’exposition Documenta d’art contemporain à Kassel. Elle crée des fictions chorégraphiques, étudie la symbolique du mouvement dans la danse. Dans les années 1980, son attention se focalise sur la connexion entre le corps et la technique. Dans les années 1990, son œuvre évolue vers la conception d’installations et la création d’un effet immersif associant l’espace, le son et la chorégraphie.
Dans la période la plus récente, elle cherche à traduire sa grammaire personnelle dans une chorégraphie abstraite, pleine de poésie et de grâce. En 2007, elle rachète l’ancienne usine de son père pour y installer une fondation dédiée à la conservation de son œuvre et au soutien aux jeunes artistes.
La Haus der Kunst de Munich relate cet itinéraire jusqu’au 13 octobre dans une grande rétrospective. « L’œuvre de Rebecca Horn est tissée de références virtuoses à la littérature et à l’histoire de l’art et du cinéma », indique le musée. L’artiste « célèbre l’horreur des machines comme prolongement du corps. Elle donne une existence au non représentable. Elle donne ainsi un visage au gouffre. Son œuvre est un écho à la décentration croissante de l’Homme, un écho perpétuel et détonant à notre époque ».
A.L.