C’est une histoire banale en apparence, que l’art de l’écrivaine rend brillante et pleine d’humour. La Leipzigoise Martina Hefter a remporté lundi le Prix du livre allemand pour son roman Hey guten Morgen, wie geht es dir?. Le jury a loué « un roman à la chorégraphie brillante, qui exerce une force d’attraction toute particulière ». Six finalistes étaient en lice sur les 197 récits envoyés par les éditeurs, parus au cours de l’année écoulée.

Martina Hefter, romancière, poète et performeuse âgée de 59 ans, met en scène un couple de quinquagénaires nommés Junon et Jupiter. Jupiter est un écrivain malade de la sclérose en plaques. Junon est une performeuse indépendante. Insomniaque, elle chatte la nuit sur des sites de rencontre avec des escrocs qu’elle démasque. Puis une relation se noue avec un escroc nigérian. Il en veut à son argent. Mais rapidement, on se demande lequel des deux exploite l’autre. Le jeu se brouille.

« Un roman à la chorégraphie brillante »

« Le roman de Martina Hefter réussit un fascinant tour de force : rapprocher un quotidien écrasant du destin de figures mythologiques et de dimensions cosmiques, osciller entre mélancolie et euphorie, nous faire réfléchir sur les notions de confiance et d’imposture », commente le jury.

Pour le magazine Der Spiegel, c’est « une histoire sur la vie quotidienne, le sentiment de solitude ressenti même lorsque l’on n’est pas seul mais qu’on s’apprête peut-être à le devenir. Une histoire sur les fantasmes. Et sur ce que signifient le rapprochement de deux étrangers sur Internet, et l’émergence entre eux, l’espace d’un instant, d’une proximité qui peut être une fuite du quotidien. »

Le Prix du livre allemand, doté de 25 000 euros, couronne une bonne année pour Martina Hefter, déjà lauréate du Grand Prix du Fonds allemand pour la littérature. Les cinq autres finalistes, Maren Kames, Clemens Meyer, Ronya Othmann, Markus Thielemann et Iris Wolff, remportent chacun la somme de 2 500 euros.

L’Italie, pays hôte de la Foire du livre de Francfort

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La remise du Prix du livre marque le début de la Foire du livre de Francfort. La 76^e édition du grand rendez-vous littéraire de l’automne pour le secteur mondial de l’édition se tient du 16 au 20 octobre. Près de 4 000 maisons d’édition et un millier d’auteurs présentent leurs nouvelles parutions. L’Italie, pays hôte, est représentée par plus de 90 auteurs et plus de 220 nouveautés. Elle a choisi pour slogan « Enracinée dans l’avenir ».

Une pléiade de personnalités est attendue. On peut citer l’autrice Elke Heidenreich, l’astronaute Matthias Maurer, le comédien Bülent Ceylan, le chanteur Peter Maffay ou encore le présentateur de télévision Thomas Gottschalk. Ils viennent présenter leurs livres au public.

L’univers du livre en pleine innovation

Trois quarts de siècle après sa naissance, le 18 septembre 1949, la Foire du livre de Francfort ne se cantonne plus au seul imprimé. Il y a longtemps que les contenus numériques et multimédias y ont trouvé leur place.

L’édition 2024 n’échappe pas à la règle. Elle propose de nouveaux segments. Un « Games Business Centre », par exemple, pour rapprocher les éditeurs et les créateurs de jeux vidéo. Ou l’espace « Book to Screen » axé sur les livres susceptibles d’être adaptés à l’écran et les livres inspirés de films. L’espace audio, qui mêle livres audio et podcasts, voit sa surface doubler. Netflix annonce sa présence pour la première fois. Et Tiktok a pignon sur rue avec son format « Booktok  ».

Sur le plan littéraire aussi, l’innovation est à l’honneur. La Foire du livre s’ouvre à de nouveaux genres, notamment à la tendance « New Adult ». Cette dernière est portée par l’intérêt des jeunes adultes pour le genre de la « Romantic fantasy  » (Romantasy), un mélange de roman romantique, souvent à coloration érotique, avec la fantasy ou ses variantes comme le Dark College. 8 000 mètres carrés sont réservés à ce secteur qui attire un public jeune et d’un nouveau genre : « des lecteurs qui sont des fans », comme les décrit Jürgen Boos, le directeur de la Foire du livre.

Caisse de résonance du monde contemporain

La Foire du livre ne dérogera toutefois pas à ses traditions. Elle reste une chambre de résonance des grands débats contemporains : l’évolution globale de la démocratie, les droits de l’Homme, l’intelligence artificielle, le changement climatique et les guerres, de l’Ukraine au Proche-Orient.

Parmi les grands débats à l’affiche, l’un des plus attendus est sans doute celui qui confrontera l’historien israélien Yuval Noah Harari et le philosophe et économiste japonais Kohei Saito. Le premier, auteur du bestseller Une brève histoire de l’humanité, vient de publier un nouvel ouvrage sur l’intelligence artificielle, intitulé Nexus. Le second prône avec humour et pédagogie un nouveau marxisme écologiste dans un ouvrage qui vient d’être publié en français sous le titre Moins ! La décroissance est une philosophie.

Inaugurée par la remise d’un Prix littéraire, la Foire du livre s’achèvera dimanche avec la remise du prestigieux Prix de la paix des libraires allemands. Il récompense cette année l’historienne et journaliste américano-polonaise Anne Applebaum. Connue pour ses analyses des systèmes autocratiques et experte de l’histoire de l’Europe de l’Est, elle avait averti très tôt du risque d’expansion violente de la part de la Russie de Vladimir Poutine.

A.L.

Site de la Foire du livre de Francfort