« Que puis-je connaître ? », « Que dois-je faire ? », « Que m’est-il permis d’espérer ? », « Qu’est-ce que l’homme ? » : voici les quatre grandes interrogations de la philosophie, telles que les a définies Emmanuel Kant (1724-1804). Selon le philosophe allemand des Lumières, elles permettent de couvrir la quasi-totalité du champ de la réflexion philosophique en balayant ses grandes problématiques : la connaissance, le sens, le salut et la condition humaine, qui intègre toutes les questions précédentes. Comment font-elles écho en nous aujourd’hui ? Comment résonnent-elles dans l’esprit des jeunes ?

C’est ce que propose de découvrir une exposition qui vient d’ouvrir ses portes à Bonn. Elle est à visiter au musée de la Bundeskunsthalle jusqu’au 17 mars 2024, et s’intitule «  Immanuel Kant und die offenen Fragen » (litt. : Emmanuel Kant et les questions en suspens). Elle inaugure la célébration du 300^e anniversaire de la naissance de Kant, le 22 avril 1724.

À travers des œuvres d’art de premier plan, des dessins, des instruments scientifiques, des cartes et des manuscrits, elle présente d’une manière très visuelle des grands thèmes qui ont marqué l’époque des Lumières.

Critique de la raison pure, Critique de la raison pratique, Critique de la faculté de juger, essai Vers la paix perpétuelle : Kant fut l’un des plus éminents représentants de cette époque avide d’ouvrir et de délimiter le champ de la connaissance. Ce fut également le cas du projet d’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Un exemplaire en est présenté à Bonn.

Kant pour tous, et plus actuel que jamais

Cette exposition se veut néanmoins tout sauf élitiste. C’est le souhait explicitement formulé par les responsables du musée. Il s’agit d’intéresser un public large, non versé dans la philosophie, et tout spécialement les jeunes. Car la philosophie de Kant a encore beaucoup de choses à dire à nos contemporains. À l’heure des fake news, quoi de plus actuel et de plus urgent que l’injonction « Sapere aude ! » (Aies le courage de te servir de ton propre entendement) formulée en 1784 par le philosophe allemand ?

Immersion dans la Königsberg historique

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Cette exposition se rend également très accessible par un autre aspect : elle met l’accent sur la personne du philosophe, sa biographie, son environnement et ses relations avec ses contemporains. Une animation en réalité virtuelle reconstitue en 3D l’époque et les lieux où Kant a vécu la grande majorité de sa vie : la ville prussienne de Königsberg (aujourd’hui, l’exclave russe de Kaliningrad). Le visiteur peut s’immerger dans cette cité presqu’entièrement détruite en 1944/1945, qui était à l’époque de Kant un phare intellectuel pour tout l’espace germanophone, et même pour toute l’Europe.

L’exposition s’accompagne d’une initiative critique élaborée par l’Institut de philosophie de l’Université Friedrich Schiller d’Iéna sur le thème « Comment aborder le racisme, le sexisme et l’antisémitisme dans la philosophie allemande classique ? », ainsi que d’une série de conférences. Intitulée « Kant et le présent », cette dernière est proposée en coopération avec le Centre numérique Kant de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et l’Université de Bonn. Elle ouvre la voie à un congrès sur Kant qui aura lieu en septembre 2024 sous la houlette de l’Institut de philosophie de l’Université de Bonn et de la Société Kant.

L’exposition elle-même a été conçue avec le concours du musée régional de Prusse-Orientale de Lüneburg (Basse-Saxe). Ce dernier doit ouvrir l’année prochaine, à l’occasion du tricentenaire, le premier musée allemand consacré au philosophe de Königsberg et inventeur du célèbre « impératif catégorique ».

A.L.