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Erich Kästner : écrivain touche-à-tout et pacifiste convaincu
Erich Kästner en 1969 à Munich, © Picture alliance / dpa
Traduits dans plus de 70 langues, ses livres pour enfants se sont vendus par millions. Mais Erich Kästner n’écrivait pas seulement pour les jeunes lecteurs.
Le train file en direction de la capitale, Émile est endormi et fait d’étranges rêves. Quand il se réveille, son argent a disparu. Ses soupçons se portent sur l’homme mystérieux coiffé d’un chapeau qui partageait son compartiment. Commence alors une folle chasse à l’homme au cours de laquelle Émile trouve de l’aide auprès d’enfants de Berlin. Cette petite bande très maline ne s’en laissera pas conter par les adultes et veillera à ce que justice soit faite.
Publié en 1929, « Émile et les détectives », son premier roman pour la jeunesse, fait d’Erich Kästner une star de la scène littéraire allemande et internationale. Aujourd’hui encore, ce roman policier, qui a pour cadre la ville de Berlin et a été plusieurs fois porté à l’écran, fait la joie des lecteurs du monde entier. Plusieurs autres livres pour enfants suivront, tous devenus des classiques : « Petit point et ses amis » (1931), « La Classe volante » (1933) ou « Deux pour une » (1949).
Romancier et pacifiste
Erich Kästner, dont on célèbre cette année le 125e anniversaire de la naissance et le 50e anniversaire de la disparition, est connu notamment pour ses récits mettant en scène des enfants courageux, inventifs et aventureux. Pour autant, il n’est pas seulement l’un des plus grands écrivains pour la jeunesse, mais aussi l’auteur d’une littérature extrêmement exigeante. Son chef d’œuvre restera par exemple son roman « Vers l’abîme » (« Der Gang vor die Hunde »), qui n’a été publié dans sa version non censurée qu’en 2013, soit à titre posthume, et traduit en français en 2016. Ce roman suit un journaliste au chômage qui parcourt les rues du Berlin tumultueux de la fin des années 1920. Il avait déjà été publié en 1931 sous le titre « Fabian », mais ses passages érotiques avaient été censurés par la maison d’édition. Erich Kästner était également un poète, un chroniqueur plein d’esprit et un observateur critique de la société allemande. Enfin, il était un pacifiste convaincu, engagé pour la paix et les valeurs démocratiques après les horreurs commises sous le nazisme.
Un écrivain qui faillit devenir enseignant
Enfant unique, Erich Kästner naît dans une famille modeste à Dresde en 1899. Son père est employé dans une sellerie, sa mère – à la santé mentale fragile et à laquelle il restera étroitement lié jusqu’à sa mort en 1951 – travaille comme femme de chambre, domestique et coiffeuse. Dès 1913, Erich Kästner fréquente un internat qui forme de futurs enseignants. À cette époque, il publie ses premiers poèmes dans le journal de l’école. Il obtient son diplôme mais décide finalement de ne pas exercer le métier d’enseignant. À propos du déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914, Erich Kästner écrit bien des années plus tard dans son autobiographie : « La guerre avait commencé et mon enfance était terminée. » En 1917, il doit d’ailleurs effectuer son service militaire. La dureté impitoyable et l’horreur de la guerre déclenchent en lui une profonde aversion pour toute forme de militarisme.
Une carrière de « poète d’usage »
En 1919, Erich Kästner commence des études d’histoire, de philosophie, de lettres allemandes et de théâtre à l’université de Leipzig. En 1925, il soutient sa thèse de doctorat en philosophie. Dès ses études, il travaille aussi comme journaliste. Par la suite, il sera une plume très sollicitée pour ses critiques théâtrales et littéraires, ses reportages, commentaires et satires publiés dans différents quotidiens. Il vit à Berlin, la métropole trépidante des années 1920. Avec ses poèmes ironiques et caustiques, il se fait également un nom comme poète de la grande ville. Erich Kästner lui-même parlait de « poésie d’usage », c’est-à-dire de poèmes pour le quotidien. Et en effet, certains de ses aphorismes ont fait leur entrée dans le langage quotidien de ses compatriotes, par exemple l’expression « Il n’y a rien de bon, sauf si on le fait » (« Es gibt nichts Gutes, außer man tut es »), encore très courante en Allemagne aujourd’hui.
Autodafé et interdiction de publication
Toutefois, après l’arrivée des nazis au pouvoir, sa notoriété et le grand succès de ses livres pour enfants ne l’aident pas. Au contraire, son nom se retrouve rapidement sur la liste des auteurs interdits. Beaucoup d’autres artistes et esprits critiques émigrent mais Kästner reste en Allemagne, bien qu’il soit arrêté à 2 reprises par la Gestapo. Il est même présent lorsque les nazis font brûler ses œuvres lors de l’autodafé de mai 1933 sur la place de l’Opéra à Berlin, sous la surveillance du ministre de la Propagande du Reich, Joseph Goebbels. Au début, il pense que le cauchemar prendra rapidement fin. Il se considère aussi comme un témoin des évènements qui se déroulent alors en Allemagne. Pendant cette période, il publie plusieurs livres à l’étranger, dont le roman « Trois hommes dans la neige » en 1934, qui connaît un franc succès en librairie. Malgré son interdiction de publication en Allemagne, il continue d’écrire sous un pseudonyme. Étonnamment, il travaille entre autres sur le scénario du film « Münchhausen » commandé par Goebbels. On dit qu’Hitler serait entré dans une rage folle lorsque la participation de Kästner a été révélée peu avant la première en 1943. Cela vaut à Kästner une interdiction d’écrire définitive.
Touche-à-tout littéraire et président du PEN club allemand
Après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Kästner s’installe à Munich où il vit jusqu’à sa mort le 29 juillet 1974. Véritable touche-à-tout littéraire, il est de nouveau très productif, écrit avec une grande facilité, dans une langue claire et directe. Il travaille notamment comme responsable du service littéraire et éditeur du magazine pour enfants et adolescents Pinguin. Il écrit également pour le théâtre de cabaret, la radio et le cinéma. De 1951 à 1962, il est président de l’antenne allemande de la célèbre association d’écrivains PEN. Toute sa vie, Erich Kästner reste farouchement antimilitariste. Engagé dans le mouvement pacifique, il a souvent adressé des paroles de mise en garde à ses concitoyens. Aujourd’hui encore, l’œuvre d’Erich Kästner est populaire dans le monde entier. Les aventures d’Émile à Berlin sont en effet aussi intemporelles que les récits de Kästner destiné aux adultes et que ses vers empreints de légèreté, de sérénité et parfois de morale.
Traduction : deutschland.de / Révision : Ambassade d’Allemagne