Bienvenue sur les pages du Ministère fédéral des Affaires étrangères
Au musée juif de Berlin, l’œuvre de Kafka entre en résonance avec l’art contemporain
Tehching Hsieh, One Year Performance, 1978–1979, New York. Life Image, © Tehching Hsieh/ Musée juif de Berlin - Photo: Cheng Wei Kuong
Le musée juif de Berlin clôt l’année du centenaire de la mort de l’écrivain Franz Kafka en donnant de nouvelles clés pour entrer – ou pas – dans son œuvre. L’exposition fait dialoguer ses manuscrits et les œuvres d’artistes contemporains.
Porte, seuil, fenêtre, lucarne : l’œuvre de Franz Kafka (1883-1924) fourmille de termes évoquant le passage, l’accès ou l’absence d’horizon. En clôture de l’année du centenaire de sa mort, le musée juif de Berlin prend l’écrivain pragois de langue allemande au mot. Il se propose d’offrir de nouvelles clés de compréhension de son œuvre foisonnante et complexe à travers une exposition intitulée « Access » (litt. : accès). Elle fait dialoguer plus d’une trentaine de lettres, de manuscrits et de dessins originaux de Kafka avec les œuvres d’artistes contemporains.
« Kafka, dans ses textes littéraires, pose les questions universelles et intemporelles des paradoxes de l’existence humaine, de la relation entre l’individu et la société, de l’admission et de l’appartenance », résume la directrice du musée, Hetty Berg. « Les œuvres contemporaines exposées reflètent ces interrogations d’une manière complexe et polysémique ».
Les œuvres sont signées Yael Bartana, Maria Eichhorn, Anne Imhof, Mary Flanagan, Marcel Duchamp, Martin Kippenberger, Maria Lassnig, Trevor Paglen ou Hito Steyerl. Les manuscrits et dessins originaux de Kafka proviennent des Bodleian Librairies de l’Université d’Oxford, de la National Library of Israel et des Archives littéraires allemandes de Marbach.
L’accès, un thème majeur de l’œuvre de Kafka
Le parcours suit une progression thématique organisée autour de mots-clés. L’accès au mot (« Access Wort ») évoque l’accès à l’univers littéraire, linguistique et artistique de Kafka. L’accès au judaïsme (« Access Judentum ») reflète ses réflexions sur ses expériences de l’individualité et de la collectivité, sur l’appartenance et l’exclusion. L’accès à l’espace (« Access Raum ») aborde le sentiment d’impasse, de désorientation et d’oppression présent dans l’univers de Kafka.
L’exposition se saisit aussi du thème de l’accès à la loi ( »Access Gesetz « ). Il évoque la bureaucratie froide et complexe, le pouvoir anonyme exercé sur l’individu et l’intrusion dans la sphère privée. L’exposition l’illustre avec la nouvelle intitulée »Devant la loi« , dans laquelle un homme attend toute sa vie de pouvoir entrer dans la loi, dont il se voit toujours rejeté. Le texte entre en dialogue avec une animation d’Alona Rodeh : des autels de sable, symbolisant des lois gravées dans le marbre, y sont emportés par la mer.
Polysémie
Ailleurs, on retrouve le roman « Le château », dans lequel un personnage appelé K. tente de pénétrer dans le centre de pouvoir du village. Le chemin avance droit devant lui, mais il n’arrivera jamais. Des vidéos de Mary Flanagan entrent en résonance avec ce texte célèbre, en évoquant les pérégrinations dans l’univers numérique, où les paysages semblent infinis.
La commissaire de l’exposition, Shelley Harten, souligne l’actualité de l’œuvre de Kafka, ainsi que sa proximité avec l’art contemporain. Elle « se caractérise par le fait que l’on y a difficilement accès bien que l’on s’y sente toujours, d’une certaine manière, compris », explique-t-elle. « On comprend le raisonnement, mais l’œuvre de Kafka reste d’une certaine manière cadenassée. Or, face à des œuvres d’art contemporain, il arrive aussi que l’on s’arrête et que l’on se pose la question : qu’est-ce que l’œuvre, l’artiste veut me dire ? Kafka et l’art contemporain trouvent un langage commun parce qu’ils ne cherchent pas l’absence d’ambiguïté, mais la pluralité » de sens.
A.L.