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Empereur et philosophe : à Trêves, une exposition événement raconte Marc Aurèle
Vue de l’exposition « Marc Aurèle. Empereur, chef militaire, philosophe », à visiter au Rheinisches Landesmuseum de Trêves du 15 juin au 23 novembre 2025 © GDKE, Rheinisches Landesmuseum Trier, Photo: Th. Zühmer
Réputée pour ses grandes expositions sur l’Antiquité romaine, Trêves sonde l’univers de Marc Aurèle, empereur romain et philosophe stoïcien à la popularité intacte, 1 800 ans après sa mort. Elle pose une question toujours actuelle : qu’est-ce qu’un bon gouvernement ?
Frédéric le Grand (1712-1786), roi de Prusse, avait planté son buste sur la cheminée de son cabinet de travail, au château de Sans-Souci. Helmut Schmidt (1918-2015), chancelier de la République fédérale d’Allemagne, était un lecteur assidu des Pensées pour moi-même. Depuis 1 800 ans, l’empereur romain et philosophe stoïcien Marc Aurèle (121-180 apr. J.C.) inspire gouvernants, penseurs et artistes. Ils voient en lui un modèle de sagesse et de bon gouvernement. Trêves lui consacre une double exposition du 15 juin au 23 novembre 2025.
À Trêves, des expositions majeures sur l’Antiquité
C’est une exposition événement. Car Trêves (Rhénanie-Palatinat), ancienne colonie romaine fondée en 16 avant J.C. (Augusta Treverorum), brille depuis une quinzaine d’années par l’organisation d’expositions au rayonnement international sur l’Antiquité. Après Constantin le Grand (2007) et Néron (2016), elle a séduit le public en 2022 en retraçant le déclin de l’empire romain (2022).
Aujourd’hui, elle offre un écrin idéal pour un voyage à l’époque de Marc Aurèle. La plus ancienne ville d’Allemagne fascine par l’atmosphère intemporelle qui émane de ses ruines romaines, classées au Patrimoine mondiale de l’UNESCO (Porta Nigra, thermes, amphithéâtre, basilique de Constantin). Marc Aurèle n’a, certes, jamais foulé ses pavés. Mais c’est sous son règne que Trêves a connu sa première période faste (avant de devenir, deux siècles plus tard, l’une des plus grandes métropoles de l’Empire). C’est également de cette époque (2e siècle apr. J.C.) que date la construction de la Porta Nigra, l’emblème de la ville.
Empereur, chef militaire, philosophe
Le Rheinisches Landesmuseum et le Stadtmuseum Simeonstift se mettent en quête de cet auguste passé à travers 400 pièces rares, réunies sur 1 600 mètres carrés au total. La plupart sont extraites de leurs fonds. D’autres sont prêtées par de grands musées européens (Louvre, British Museum, Musées du Vatican, Palais du Belvédère de Vienne, Rijksmuseum d’Amsterdam, Galerie nationale d’Art ancien de Rome, Musée Carnavalet).
Les deux parcours sont complémentaires. Au Rheinisches Landesmuseum, l’exposition intitulée « Marc Aurèle. Empereur, chef militaire, philosophe » peint la vie, le contexte historique et l’univers mental de l’empereur philosophe. Elle réserve plusieurs salles à une lecture pédagogique des Pensées pour moi-même, dans lesquelles Marc Aurèle expose sa vision stoïcienne. La seconde partie retrace la postérité de l’œuvre. Le Stadtmuseum Simeonstift pose la question « Qu’est-ce qu’un bon gouvernement ? ». Il montre l’influence de l’empereur philosophe à travers les siècles.
Qu’est-ce qu’un bon gouvernement ?
Au fil des salles émerge le portrait d’un homme de réflexion qui n’aimait ni les combats de gladiateurs, ni les jeux du cirque, ni le théâtre. L’héritier philosophique d’Épictète et de Sénèque eut d’ailleurs le temps de mûrir sa réflexion. Il n’accéda aux plus hautes fonctions de l’Empire qu’à 39 ans, à la mort d’Antonin le Pieux (161 apr. J.C). L’une de ses premières décisions fut de nommer son frère adoptif Lucius Aurelius Verus cogouvernant de l’Empire. Cette innovation visait, entre autres, à tuer dans l’œuf tout foyer de rébellion dans les provinces. Elle inspirera ses successeurs pour l’organisation du pouvoir impérial.
Autre enseignement : Marc Aurèle est monté sur le trône à une ère faste pour l’Empire romain. Mais son règne a paradoxalement été jalonné de conflits armés (notamment contre les Parthes et les Germains) et de crises (épidémies, etc.). Il a passé dix ans sur le champ de bataille, plus qu’aucun autre empereur romain. Il voyait dans l’accompagnement de ses légions un gage de sa légitimité en tant que souverain. L’exposition s’attarde sur la façon dont les artistes l’ont représenté, dans la posture du philosophe mais aussi très souvent dans celle du chef de guerre sur son cheval.
Un penseur toujours actuel
C’est lors des veillées militaires que l’empereur philosophe a écrit son œuvre, entre 172 et 178. Ces 487 aphorismes rédigés en grec étaient, à ses yeux, des exercices philosophiques non destinés à la publication. Ils seront découverts à la Renaissance, dans une traduction latine.
Dans ses Pensées pour moi-même, Marc Aurèle développe une éthique basée sur la discipline, le gouvernement intérieur et la vertu en vue de surmonter les difficultés de l’existence. « Possèdes-tu la raison ? - Oui. – Pourquoi n’en uses-tu pas ? ». Il réfléchit aussi sur son expérience de souverain : « Tout ce que te suggère la règle de l’art de régner et de légiférer, le faire uniquement dans l’intérêt des hommes ».
Et il se livre sur l’existence et le passage du temps : « Bien voir toujours au total, combien sont éphémères et sans valeur les choses humaines […]. Ce petit instant du temps de la vie, le traverser en se conformant à la nature, partir de bonne humeur, comme tombe une olive mûre, qui bénit celle qui l’a portée et rend grâce à l’arbre qui l’a fait pousser. »
L’ouvrage est aujourd’hui un bestseller de la littérature mondiale. Lu et relu par les gouvernants de toutes les époques, il est abondamment cité sur les réseaux sociaux. Il parle manifestement aux femmes et aux hommes du 21e siècle. Certains vont jusqu’à imaginer Marc Aurèle en 2025… dans la peau d’un influenceur !
A.L.