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Exposition : à Meissen, l’« or blanc » de Saxe entre créativité et diplomatie

Service de porcelaine de Meissen « Fête des fleurs », décoration « Songe d’une nuit d’été », Ludwig Zepner et Heinz Werner, 1968/69

Service de porcelaine de Meissen « Fête des fleurs », décoration « Songe d’une nuit d’été », Ludwig Zepner et Heinz Werner, 1968/69 © Collection de porcelaines, Collections nationales d’art de Dresde, Photo : Esther Hoyer, Alexander Schmidt/punctum

26.09.2025 - Article

Berceau de la porcelaine européenne, la manufacture de Meissen a traversé les siècles en suscitant une fascination intacte. À Dresde, une exposition éclaire une période peu connue de son histoire : celle de la RDA, au carrefour de l’art, de la diplomatie et de la vie quotidienne.

La porcelaine est née en Chine. Mais c’est à Meissen qu’elle a vu le jour sur le continent européen. Entre 1708 et 1710, cette ville de Saxe voisine de Dresde a été le théâtre d’expérimentations menées par un alchimiste et un mathématicien-physicien, Johann Friedrich Böttger et Ehrenfried Walter von Tschirnhau. En élaborant une pâte à base de kaolin, ils ont percé le secret de fabrication de la porcelaine « dure », une découverte capable de rivaliser avec l’« or blanc » de Chine, alors très prisé dans les cours européennes. En 1710, Auguste le Fort, prince-électeur de Saxe, fonde à Meissen la première manufacture de porcelaine d’Europe. Il est vite imité. En France, Louis XV ouvre en 1740 l’ancêtre de la manufacture de Sèvres.

A la découverte d’un pan méconnu de l’histoire de la porcelaine de Meissen

Assiette en porcelaine de Meissen portant l’emblème de la RDA, 1955
Assiette en porcelaine de Meissen portant l’emblème de la RDA, 1955 © Collection privée, Photo: Esther Hoyer, Alexander Schmidt/punctum

Trois cents ans plus tard, la manufacture de Meissen reste un fleuron de l’artisanat d’art allemand, un symbole d’excellence et de tradition. Jusqu’au 22 février 2026, la Collection de porcelaine des Collections nationales d’art de Dresde (SKD) lui consacre une grande exposition, intitulée « Les épées bleues – Meissen en RDA » (les épées bleues étant l’emblème de la manufacture). Elle est présentée au Palais Japonais et retrace pour la première fois l’histoire de la porcelaine de Meissen entre 1945 et 1990. Plus de 450 pièces, croquis, assiettes, figurines et films racontent l’évolution de la porcelaine de Saxe en RDA, entre tradition et modernité.

Le parcours illustre la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale. Il souligne l’importance diplomatique de la porcelaine de Meissen pour l’État socialiste. Une assiette datant de 1955, ornée de fleurs et du symbole d’État de la RDA, en témoigne, tout comme la Maria vom Siege offerte par Erich Honecker, secrétaire général du Parti socialiste unifié d'Allemagne (SED), au Pape Jean-Paul II en 1985.

La manufacture a également participé aux échanges culturels entre les deux Allemagne. Une grande partie de sa production était, en effet, exportée en République fédérale, contre devises. L’exposition pose la question : comment la porcelaine de Meissen a-t-elle façonné la mémoire collective et l’identité nationale des deux côtés du Mur ?

Un art entre défis et liberté

Le collectif d’artistes de la manufacture de porcelaine de Meissen représenté en tant qu’orchestre de clowns, Peter Strang 1987/89.
Le collectif d’artistes de la manufacture de porcelaine de Meissen représenté en tant qu’orchestre de clowns, Peter Strang 1987/89. Collection de porcelaines, Collections nationales d’art de Dresde, Photo : Esther Hoyer, Alexander Schmidt/punctum © VG Bild-Kunst, Bonn 2025

Une large place est consacrée au collectif d’artistes de la manufacture : Ludwig Zepner, Heinz Werner et Peter Strang. Ils travaillaient dans un atelier aménagé dans une tour du château de Moritzburg. Ils pouvaient y observant la nature pour nourrir leurs créations. Ils s’inspiraient aussi des films d’animation tchécoslovaques, des mises en scène du Berliner Ensemble ou de motifs littéraires tels que Les Mille et Une Nuits. L’exposition souligne leur maîtrise technique et leur inventivité. Peter Strang a été jusqu’à immortaliser le collectif à travers des figurines colorées représentant un « orchestre de clowns ».

Les membres du collectif d’artistes de la manufacture de porcelaine de Meissen dans l’atelier du château de Moritzburg, 1976
Les membres du collectif d’artistes de la manufacture de porcelaine de Meissen dans l’atelier du château de Moritzburg, 1976 © Manufacture nationale de porcelaine de Meissen, Archives de la société / Klaus Tänzer

Ces artistes ont su s’octroyer des libertés créatives malgré les pressions politiques et les des défis techniques auxquels ils étaient exposés. Otto Grotewohl, président du Conseil des ministres de RDA, leur avait assigné une mission : « puiser dans la bonne tradition pour créer du nouveau ». L’État socialiste souhaitait produire une porcelaine accessible à toutes les couches de la population. Mais cet objectif était freiné par le coût des matériaux et la nature luxueuse du produit.

Au-delà de l’art, l’exposition rend hommage aux petites mains qui font la réputation de Meissen. Des photos de Gerhard Weber prises entre 1988 et 1992 plongent les visiteurs dans l’intimité des ateliers. Elles dévoilent la culture de l’entreprise, la concentration et la minutie des artisans, ainsi que leurs moments de repos et de convivialité.

A.L.

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