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L’expressionnisme : des œuvres, des hommes et des histoires

Vue de l’exposition « Kirchner, Lehmbruck, Nolde. Histoires de l’expressionnisme à Mannheim » © Kunsthalle Mannheim, Foto: Elmar Witt
La Kunsthalle de Mannheim a été l’un des premiers musées allemands à acquérir de l’art expressionniste. Elle consacre actuellement une grande exposition à ce mouvement d’avant-garde du début du 20e siècle. S’y mêlent récits, redécouverte des œuvres et recul critique.

Des corps déformés, des couleurs vives, des émotions brutes, la solitude et l’aliénation des métropoles : à l’évocation de l’expressionnisme allemand, un univers surgit. Pour s’y plonger, quoi de mieux que de se rendre dans l’un des premiers musées à s’y être intéressé ? La Kunsthalle de Mannheim possède une collection d’art expressionniste dont l’origine remonte aux années 1910. Elle a traversé toutes les péripéties de l’histoire du 20e siècle, non sans dommages. Elle est riche de chefs-d’œuvre inestimables, mais aussi d’innombrables histoires à raconter. Elle se livre dans une grande exposition intitulée « Kirchner, Lehmbruck, Nolde – Histoires de l’expressionnisme à Mannheim », à visiter jusqu’au 11 janvier 2026.
L’exposition présente 180 toiles, sculptures et dessins. Ils proviennent des collections de la Kunsthalle, de prêts d’autres musées et de collections privées de Mannheim. Cette juxtaposition permet d’ouvrir plusieurs pages d’histoire.
Des histoires dans l’Histoire

Dès avant la Première Guerre mondiale, la Kunsthalle de Mannheim a été parmi les premiers musées allemands à acheter des œuvres d’art expressionnistes. Les œuvres de Ernst Ludwig Kirchner, Emil Nolde et du sculpteur Wilhelm Lehmbruck feront partie de ses pièces maîtresses, tout comme ses collections de dessins et de sculptures expressionnistes. Mais le nazisme détruira en partie ce trésor. En 1937, le régime hitlérien saisira plus de 570 œuvres.
Une partie d’entre elles, seulement, sera récupérée en 1945. Certaines ont été détruites. D’autres sont réapparues dans des collections privées, dont l’exposition met en avant la richesse. Elle présente notamment des œuvres de Kircher, Heckel, Schmitt-Rottluff ou Kokoschka issues de la collection Werle-Fuschs, développée à Mannheim à partir des années 1960. Elle souligne, d’autre part, le rôle joué par les marchands d’art Herbert Tannenbaum (1892-1958) et Rudolf Probst (1890-1968) dans la constitution, la tentative de protection et la restauration de la collection.
Nouvelles perspectives

L’exposition raconte encore d’autres histoires, en portant un regard contemporain sur les œuvres. Ce faisant, elle ouvre des perspectives nouvelles, méconnues ou critiques, sur l’expressionnisme et ceux qui l’ont fait. Elle consacre ainsi des salles à la sculpture expressionniste à travers les œuvres de Wilhelm Lehmbruck et de son mécène Sally Falk. Elle met en valeur des artistes féminines telles que Milly Stegner, l’une des rares femmes sculptrices du mouvement d’avant-garde.
Elle met aussi l’accent sur le dessin, l’un des points forts de la collection, présentant notamment un riche fonds de portraits. On y découvre une analyse précise du langage du corps dans l’expressionisme : la subjectivité s’exprime à travers des moyens tels que la réduction formelle, la déformation, l’allongement des proportions ou le choix des matériaux.
Recul contemporain
Enfin, le déplacement du regard permet d’ouvrir des perspectives critiques, par exemple sur la représentation de l’« étranger », sur les rôles masculins et féminins ou sur les positions de certains artistes sous le nazisme. L’exposition montre que l’expressionniste n’a pas été seulement une innovation artistique mais aussi le reflet des conditions politiques et sociales de son époque. Elle se penche ainsi sur l’attrait des artistes pour l’exotisme. Vu à l’époque comme un moyen de rompre avec les formes académiques, il frappe aussi aujourd’hui par l’inconscience des rapports de domination à une époque marquée par le colonialisme dans l’Empire allemand.
A.L.