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Un traité pour les citoyens des deux pays
Le Traité d’Aix-La-Chapelle approfondit l’amitié franco-Allemande., © mariesacha/stock.adobe.com
Du traité de l’Élysée au traité d’Aix-La-Chapelle : Sabine Thillaye explique pourquoi l’amitié franco-allemande a besoin de nouvelles impulsions.
En 1963, la France et l’Allemagne ont lancé un signal fort en faveur de l’amitié et de la coopération avec le traité de l’Élysée. Cinquante-six ans plus tard, un nouveau texte vient s’inscrire dans sa lignée : le traité d’Aix-La-Chapelle. Sabine Thillaye dirige le groupe de travail en charge du dossier côté français. Sa biographie est un exemple de réussite franco-allemande : allemande d’origine aujourd’hui binationale, elle contribue à élaborer la politique française à l’Assemblée nationale et y préside la commission des affaires européennes.
Mme Thillaye, quelles sont vos attentes quant au traité d’Aix-La-Chapelle ?
Nous espérons trouver à Aix-La-Chapelle un nouveau rythme pour notre coopération. Ces dernières années, l’opinion publique mais aussi parfois le monde politique avaient l’impression que la coopération franco-allemande, instituée en 1963 avec le traité de l’Élysée, piétinait. Au vu des événements de ces dernières semaines, j’accorde beaucoup d’importance à souligner qu’il s’agit d’un traité intergouvernemental dont le contenu doit profiter à tous les citoyens des deux pays. Cette attente souligne la place que le traité d’Aix-La-Chapelle accorde à la coopération régionale.
La numérisation est un nouveau sujet. Qu’apporte le traité d’Aix-La-Chapelle en la matière ?
Le nouveau traité de l’Élysée cherche à renforcer notre position de départ commune dans la numérisation. Au lieu de réagir aux disruptions si souvent citées, nous voulons que, demain, des impulsions importantes viennent plus souvent de la France, de l’Allemagne et de l’Union européenne. Le traité d’Aix-La-Chapelle doit renforcer la coopération dans la recherche, notamment sur le thème de l’intelligence artificielle. Au-delà de la recherche, nous souhaitons l’apparition à long terme de champions européens, de grandes entreprises pouvant affronter les géants de cette technologie américains et chinois.
Heiko Maas, le ministre allemand des Affaires étrangères, accorde une grande importance à l’éducation. Que faire pour rassembler encore davantage nos forces dans ce domaine ?
Promouvoir l’apprentissage de la langue du pays partenaire doit redevenir prioritaire. La promotion de l’enseignement de l’allemand en France a été négligée ces dernières années. Cela changera après la signature du traité d’Aix-La-Chapelle. En outre, l’harmonisation des diplômes et des certificats doit être facilitée par-delà les frontières.
Quel aspect du traité d’Aix-La-Chapelle vous tient particulièrement à cœur ?
Pour moi, l’engagement en faveur du processus d’unification européenne est peut-être le point le plus important du traité. Pensant aux élections européennes en mai, je souhaite que les relations franco-allemandes et leur approfondissement à la suite du nouveau traité de l’Elysée soit moins perçus comme une fuite en avant que comme une avancée.
Vous considérez-vous comme un bel exemple d’amitié franco-allemande ?
Ma biographie reflète l’histoire de l’étroit partenariat entre la France et l’Allemagne. C’est important pour moi si, aujourd’hui, étant députée à l’Assemblée nationale et associée aux négociations sur le nouveau traité d’amitié franco-allemand, je contribue à l’approfondissement de ce partenariat entre les deux pays, c’est grâce au travail que la génération précédente a réalisé de concert depuis 1963. Réciproquement, j’espère naturellement que des biographies comme la mienne soient plus souvent la règle que l’exception.
Nous devons trouver un sain « pragmatisme européen »
Comment a évolué l’amitié franco-allemande depuis 1963 ?
En 1963, la coopération franco-allemande se fondait sur le souhait et la nécessité de réconcilier deux peuples ennemis après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce lourd héritage joue toujours un grand rôle, comme dernièrement dans le cadre de la commémoration de la fin de la Première Guerre mondiale en novembre 2018. Mais ces dernières décennies, nous avons échangé, appris à nous connaître et à collaborer. Avec la signature du nouveau traité, je crois que nous sommes arrivés à un point où les relations franco-allemandes sont devenues adultes.
Les partis nationalistes et anti-européens sont-ils un danger pour la démocratie ?
Je m’inquiète évidemment des tendances nationalistes dans les pays membres d’Europe centrale, dans les partis protestataires en Europe de l’Ouest, chez les partisans du Brexit en Grande-Bretagne et les Gilets jaunes en France. Et nous devons nous opposer aux attaques contre l’État de droit. Mais je pense que tous les Européens convaincus ont de bonnes raisons d’aborder les prochaines élections européennes en toute confiance.
Il est important que nous cessions, dans les débats nationaux, de porter l’Europe aux nues ou bien de la maudire. Au lieu d’osciller entre les extrêmes, entre l’europhilie et l’europhobie, nous devons trouver un sain « pragmatisme européen ». Nous devons refaire prendre conscience aux électeurs que l’unification européenne n’est pas une fin en soi mais un instrument pour résoudre ensemble des problèmes que les États ne peuvent tout simplement plus résoudre seuls.
Interview: Philipp Hallfahrt
Traduction de deutschland.de révisée par l’Ambassade d’Allemagne