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Allocution de S.E. Monsieur Stephan Steinlein, Ambassadeur d’Allemagne en France, à l’occasion de la Journée de l’unité allemande, le mercredi 2 octobre 2024 à sa résidence, l’Hôtel de Beauharnais
Sehr geehrte Frau Ministerin Schmitt,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Sehr geehrter Herr Bundesminister, lieber Boris,
Messieurs les Premiers ministres,
Monsieur le Président du Conseil constitutionnel,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Madame la Secrétaire générale, liebe Anne-Marie,
Excellences,
Mesdames et Messieurs en vos grades et fonctions,
Chers amis,
Il y a 35 ans jour pour jour tout un peuple cessait d’avoir peur.
Nous sommes le 2 octobre 1989 : 20 000 citoyens de RDA participent à la quatrième manifestation du lundi à Leipzig.
Face à eux, un grand déploiement de policiers en tenue de combat, avec des matraques et des chiens.
La menace d´une « solution chinoise » plane.
Mais le courage s´avère plus fort que la peur.
Pour la première fois, le cri « Wir sind das Volk ! » - « Nous sommes le peuple » - résonne - en réaction à une annonce de la Volkspolizei, la police est-allemande.
Quand un haut-parleur diffuse « C’est la police du peuple qui vous parle ! », des manifestants répondent : « Nous sommes le peuple ! »
Le slogan de la Révolution pacifique est né.
Certains historiens décrivent ce jour comme le tournant décisif de la Révolution pacifique. La peur vient de changer de camp.
Désormais, ce sont les dirigeants qui commencent à trembler.
Quelques semaines plus tard, le mur tombe et entraîne dans sa chute tout le système communiste.
Les événements de Leipzig et de Berlin resteront à jamais gravés dans la mémoire collective du peuple allemand.
Mais ce fut aussi le début d’une marche vers l’inconnu, du moins pour les territoires de mon pays d’origine, la RDA.
Tous les rêves ne se sont pas réalisés, certains espoirs ont été déçus. Mais à presque tous les égards, l’histoire de la réunification allemande est une réussite.
À l’époque, de nombreux partenaires de l’Allemagne de l’Ouest, y compris en France, s’interrogeaient sur la voie que suivrait l’Allemagne réunifiée.
Resterait-elle fidèle à sa vocation européenne ?
Resterait-elle fidèle à ce partenariat unique au monde avec la France ?
Elle l’est restée. Aujourd´hui, l´Allemagne et la France sont toujours les deux nations européennes « indispensables ». Les nations sans qui rien ne bouge en Europe et qui partagent, de ce fait, la responsabilité de faire avancer le grand projet européen dans un monde périlleux et déboussolé.
À l´international, nos deux pays soutiennent sans faille l’Ukraine dans sa lutte contre l’agression russe.
Nous nous engageons pour un ordre mondial fondé sur le droit international.
Ensemble, nous défendons le droit à l’existence d’Israël et une véritable solution à deux États.
En cette période de tensions extrêmes, je le dis clairement : nous devons afficher une solidarité sans faille avec Israël qui se défend contre des ennemis qui lui dénient ce droit.
Sur le plan européen, nous avons réussi à trouver des solutions pour la conception du marché européen de l’énergie, à donner un avenir à la politique spatiale européenne et à réformer le pacte de stabilité.
Le secret de l’entente franco-allemande n’est pas que nous soyons a priori d’accord, mais que nous parvenions à trouver des positions communes qui soient également acceptables pour les autres.
L’année écoulée a été une bonne année franco-allemande.
Nous nous souvenons avec gratitude de la visite d’État du président Macron en mai, et des jeunes Européens enthousiastes qui l’ont acclamé à Dresde.
Là, le Président Macron a rappelé que notre démocratie, notre Europe n’était pas un bilan, mais une mission.
Deux ministres ont particulièrement contribué à ce que les choses avancent vraiment ces derniers mois, et je suis heureux de les accueillir ici aujourd’hui.
Un grand applaudissement pour le ministre français de la Défense, Sébastien Lecornu, et son homologue allemand, Boris Pistorius.
Grace à eux et à leur investissement personnel, nos deux grands projets d’armement communs, le char et l’avion de combat du futur, sont à nouveau sur les rails.
Je ne peux que les remercier de leur inlassable engagement pour lever les obstacles existants.
Monsieur le Ministre, cher Sébastien Lecornu,
Aujourd’hui même, votre homologue, Boris Pistorius, vous a remis les insignes de l’Ordre du Mérite allemand. À un moment où nous bâtissons ensemble un nouveau concept de sécurité commune, votre action résolument franco-allemande, résolument européenne est indispensable.
Au nom de l’Allemagne, je vous remercie pour votre engagement et vous félicite pour cette décoration amplement méritée.
Mesdames et Messieurs,
Depuis 1989, les temps ont changé. Les démocraties occidentales semblent être sur la défensive. Les ennemis de la société ouverte, à l’intérieur comme à l’extérieur, sentent le vent tourner.
L’enthousiasme de 1989 semble s’être évaporé. La perte de confiance en soi et le déclinisme, pires ennemis d’une société ouverte, gagnent du terrain.
Devons-nous avoir peur ?
Ni la Russie de Poutine ni la Chine de plus en plus autoritaire n’ont quelque chose à offrir à un monde en quête d’égalité, de participation, de durabilité et de justice.
Et les populistes de gauche et de droite, qui tentent actuellement de séduire les électeurs avec des réponses simplistes, ont-ils quelque chose à offrir en dehors de la haine et de la violence ?
Nous ne devons pas avoir peur !
Je suis un enfant de 1989. Je suis né en RDA et ma conscience politique a été forgée par des gens comme Czeslav Milosz, Karl Popper, Vaclav Havel, Bronislaw Geremek.
Je crois profondément à la supériorité des sociétés ouvertes sur tous leurs ennemis.
Les manifestations de Leipzig et la chute du mur de Berlin, il y a 35 ans, sont des symboles puissants de la victoire de la liberté sur l’oppression.
Aucun de nos deux pays n’a la solution miracle pour contrer la montée des extrémismes de gauche et de droite.
Mais nous pouvons apprendre l’un de l’autre. Nous pouvons développer une vision commune pour notre continent, basée sur la sécurité commune, la croissance et la compétitivité.
Les rapports d’Enrico Letta et de Mario Draghi constituent une bonne base pour cela, même si la question du financement restera certainement controversée entre nous.
Ce qui compte, c’est que la direction soit claire, que la boussole soit bien orientée.
Nous voulons une Europe forte, une Europe souveraine, une Europe dont la voix aura encore du poids à l’avenir.
Le terreau des extrémistes est la peur.
La force de la démocratie est la liberté et l´espoir.
Veillons ensemble à ce que la peur change de camp, comme ce fut le cas à Leipzig le 2 octobre 1989.
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux que la Rhénanie-Palatinat soit cette année le land partenaire de la Journée de l’unité allemande.
Je vous remercie, Madame la Ministre, chère Madame Schmitt, d’être venue à Paris aujourd’hui et d’avoir apporté un soutien décisif à l’organisation de cette fête.
Votre choix de co-parrainer cette réception s’inscrit dans l’engagement résolument franco-allemand de votre land, et ce depuis la première heure et même avec un temps d’avance : Un an avant la signature du traité de l’Élysée, la Rhénanie-Palatinat signait déjà un accord de coopération avec la Bourgogne.
Ces régions sont ainsi devenues les premières à être jumelées. Il faut dire qu’elles ont notamment en commun d’excellents vins. Vous aurez d’ailleurs toutes et tous l’occasion ce soir de déguster des vins rhénopalatins.
Comme c’est désormais la tradition depuis plusieurs années, le service est assuré par les apprentis de l’école française de gastronomie FERRANDI Paris dans le cadre de leur formation. Je pense que nous pouvons les applaudir !
Un grand merci également au quatuor à cordes français Elmire.
Enfin, je tiens à saluer le travail des équipes de l’ambassade et de l’Hôtel de Beauharnais qui ont assuré les préparatifs de cette soirée et veillent à son bon déroulement aujourd’hui.
Je vous souhaite à toutes et à tous une belle soirée franco-allemande.
Merci d’être venus et de partager cette soirée avec nous.
Vive la liberté. Vive l’amitié franco-allemande. Et vive l’Europe.